Epigramme
Je ne suis peut-être, après tout,
Qu’un écrivain froid et peu sage,
Sans esprit, sans suite, sans goût,
Qu’un barbouilleur pour tout potage.
Fréron l’a dit : son témoignage
Ne peut, ne doit, être que bon :
Il a travaillé sous Burlon.
Le sang de l’un dans l’autre coule,
L’un fut, l’autre est marchand d’oignon !
Qui mieux se connaît en ciboule ?
Piron, OC, t.IX, p.205
Contre M. Fréron
Est-ce donc là ce Piron qu’on nous donne
Pour si léger et si vif à l’assaut ?
Fréron le mord, le pince, l’aiguillonne,
Et les rieurs le trouvent en défaut !…
– Fustigeons donc, Messieurs, puisqu’il le faut.
Prenez ma lance et m’armez de lanières !…
Vous faites tant, par vos bonnes manières,
Que je veux bien vous tenir en gaieté,
Devenir cuistre et donneur d’étrivières :
De Syracuse un roi l’a bien été.
Piron, OC, t.IX, p.204
Epigramme
Quand le Ciel gronde, frère Pierre
Court à la cave se cacher.
Vous pensez qu’il craint le tonnerre ?
C’est la tonne qu’il va chercher.
Contre “Pierre” Maupertuis suspecté d’ivrognerie
Le petit marchand du coin
Le petit marchand du coin
A six sols les couteaux, flacons, ciseaux, étui ;
A six sols l’oraison funèbre
De Monsieur l’évêque du Puy.
De La Bletterie à six sols le Tacite,
A six sols Ernelinde, à six sols le Huron ;
Les quarante cahiers des feuilles de Fréron,
A six sols, à six sols au reste… et vite, et vite !
Piron, OC, t.IX, p.204
Contre M. Fréron
Fréron à trois académies
S’étant offert tout à la fois,
Ces dames, en bonnes amies,
Partagèrent le membre en trois.
Que de jouer à pile ou croix
A qui seule aurait l’avantage
De posséder un personnage
Dont le tout n’est que trop petit ?
Bel acquêt d’avoir en partage
Le tiers d’un quart de bel esprit !
Piron, OC, t.IX, p.202
Contre M. Fréron
Unpauvre auteur payait Fréron
Pour échapper à sa satire.
– Je veux, dit maître Aliboron,
Faire plus. Je veux qu’on t’admire.
– Oh ! dit l’autre, ceci, beau sire,
Passe ta force et mon espoir…
– Passe ma force ! Tu vas voir
Ce que peut l’emploi dont j’hérite.
Mon devancier m’a fait valoir
A moins de frais et de mérite.
Piron, OC, t.IX, p.202