Sans titre
Hé bien ! ne l’avais-je pas dit,
Car je connais le sort maudit
Qui toujours me talonne ;
Que j’étais l’unique personne
Qui pût perdre au Mississipi.
Tu le sais, cent fois, cher ami,
Lorsque tu me pressais d’y mettre,
Je te disais : non, non, tournons plutôt un mètre
Que d’acheter des actions ;
Sitôt que j’en aurais, le cas n’est équivoque,
Ce serait la fatale époque
De leur baisse, à coup sûr. Ce sont des fictions
Répondais-tu toujours. Enfin donc j’en achète,
Mais aussitôt, comme j’avais prédit,
Courrier politique et galant, 28 décembre 1719
Vaudeville
Vaudeville
Un Gascon, rusé matois,
Mais mince actionnaire,
Par ses seuls galants exploits
Connu dans cette terre,
D’un tendron friand y fit choix.
Avant le terme des dix mois
La fille sera mère.
Vive, vive, vive le Quincampoix
C’est une autre Cythère.
D’une attentive maman
La fille trop gênée
Espérait innocemment
Se joindre à la mêlée.
Elle y rencontra maints grivois :
Gare le produit des dix mois.
La belle y fut visée.
Vive, vive, vive le Quincampoix
Courrier politique et galant, 18 décembre 1719
Epigramme d'un auteur fâché
Épigramme d’un auteur fâché1
En vain tu crois nous donner la leçon,
Nouveau Midas descendu de Zoïle,
Tu t’établis juge sur l’Hélicon,
Et tu n’en es que le plus vil reptile.
Mais censurant les ouvrages divers
Qui nous font croire que l’Europe est savante,
Tes jugements donnés tout de travers
Prouvent aussi qu’elle est très ignorante.
- 1Richet, traducteur, mécontent de ce qui a été dit de son œuvre dans l’Europe savante (M.)
Courrier politique et galant, 28 avril 1719
Sans titre
L’ordinaire dernier, on écrit de Paris
Qu’au couvent des Cordelières,
Qui se divise en deux partis
Sur la Bulle on a vu des troupes altières
De nonnes se prendre aux cheveux
Et se gourmer à qui mieux mieux ;
Que les anti-constitutionnaires
Ont fait mainte contusion
Aux dépens de leurs adversaires,
Que dans le fort de l’action
Les guimpes des sœurs et des mères,
De leurs appas reclus fâcheux dépositaires,
Et leurs voiles en pièces mis
Ont servi de trophée à leurs fiers ennemis.
Courrier politique et galant, 13 mars 1719
Sans titre
Les libraires, dit-on, ont demandé main forte
Aux troupes de comédiens,
Et ceux-ci vont se joindre à leur cohorte.
Pauvres auteurs, que je vous plains !
Avec quoi ferez-vous la guerre ?
Ces Messieurs sont pour vous un fléau, j’en conviens,
Mais c’est un fléau nécessaire.
Que vous servirait-il de faire les mutins
Si des vivres ils vont vous couper les chemins ?
Vous vous rendrez bientôt avec votre doctrine
A discrétion par famine.
Courrier politique et galant, 6 mars 1719
Sans titre
Les troupes ci-devant comiques
Des acteurs de la Foire à qui l’on interdit
La parole à présent, vont, à ce quel’on dit,
Fermer pour longtemps leurs boutiques ;
Car leurs affaires vont si mal
Depuis cette contrainte extrême
Que, pendant le carnaval
Les pauvres gens ont fait carême.
Courrier politique et galant, 27 février 1719