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- Epître de M. Tricaud de l'académie des Belle-Lettre de Montpellier à M. de Voltaire au sujet de Sémiramis après les changements que l'auteur y a faits.

Epître de M. Tricaud, de l’académie des Belles-Lettres de Montpellier à M. de Voltaire au sujet de sa Sémiramis après les changements que l’auteur y a faits.
Grâces enfin à cette reine
Qui dans l’Orient autrefois
Sut assujettir tant de rois,
Nous voyons encore Melpomène
Attendrir les bords de la Seine
Par les sons plaintifs de sa voix ;
Ce n’est point une âme hautaine,
Un fanatique, un furieux
Dont les superbes hémistiches
Hérissés de grands mots postiches
Menacent la terre et les cieux ;
C’est une princesse coupable
Que le courroux du Ciel accable,
Qui par ses remords douloureux
Fait à l’âme la moins traitable
Partager son sort malheureux.
Je vois un soldat adorable
De qui la fierté redoutable
Abaisse l’orgueil dangereux
D’un ministre trop glorieux.
Son amante fidèle et tendre,
Dieux ! quels accents viens-je d’entendre !
Azéma fait couler mes pleurs,
L’on s’afflige de ses douleurs ;
Pour elle, on gémit, on soupire ;
La conquête qu’elle désire
Lui fait conquérir tous les cœurs.

L’on ne verra point ce grand homme,
Cicéron, la grandeur de Rome,
Gâté de ces fausses couleurs
Qui n’en montrent que le fantôme.
À l’aspect du faux coloris,
Arouet, tes pinceaux chéris
Pensèrent trahir ta science
Et tu craignis que l’éloquence
Pour venger son cher favori
Ne quittât pour jamais la France.
Ne crains rien, ton fidèle ami,
D’Olivet, rempli de prudence
A déjà réparé l’offense,
Et celui qui sut pour Milon
De Jules implorer la clémence
Sait pardonner à Crébillon.

Poursuis, Arouet, ta carrière,
Va, laisse loin de la barrière,
Un tas de rivaux obscurcis.
Ton illustre Sémiramis,
Malgré les fureurs de l’envie
Donne des leçons à Denis
Et confond l’amant de Tullie.

Numéro
$4653


Année
1749 mars

Auteur
Tricaud



Références

Clairambault, F.Fr.12719, p.215-17 - F.Fr.10478, f°314 - F.Fr.15151, p.39-98 - Arsenal 2964, f°37-38r