Bouquet à Voltaire par M. de Chabanon
L’église dans ce jour fait à tous les dévots
Célébrer les vertus d’un pénitent austère :
Si l’église a ses saints, le Pinde a ses héros,
Et nous fêtons ici le grand nom de Voltaire.
Je suis loin d’outrager les saints,
Je les respecte autant qu’un autre,
Mais le patron des capucins
Ne devrait guère être le vôtre.
Au fond de ces cloîtres bénis
On lit peu vos charmants écrits,
C’est le temple de l’ignorance.
Mais près de vous, sous vos regards,
Le dieu du goût et des beaux-arts
Tient une école de science.
De ressembler aux saints, je crois,
Voltaire assez peu se soucie,
Mais le cordon de saint François
Pourrait fort bien vous faire envie :
Ce don, m’a-t-on dit, quelquefois
Ne tient pas au don du génie.
Allez, laissez aux bienheureux
Leurs privilèges glorieux,
Leurs attributs, leur récompnse :
S’ils sont immortels dans les cieux,
Votre immortalité sur la terre commence.
CLG [ed. Tourneux], VII, p.454 - Mémoires secrets, II, 803 - CLK, V,3, p.237-38. Autres références dans l'édition des OC, t.63b, p.589-91
Poème composé à Ferney pour l'anniversaire de Voltaire, le 4 octobre 1767. Voir son symétrique par La Harpe ($2247) et la réponse de Voltaire ($5972)