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Réponse de M. de Voltaire à M. Algarotti

Réponse de M. de Voltaire à M. Algarotti,
conseiller de guerre du roi de Pologne, électeur de Saxe
Enfant du Pinde et de Cythère,
Brillant et sage Algarotti,
A qui le ciel a départi
L’art d’aimer, d’écrire et de plaire,
Et que pour comble de bienfaits
Un des meilleurs rois de la terre
A fait son conseiller de guerre
Dès qu’il a voulu vivre en paix.
Dans un palais de porcelaine
Recevez ces frivoles sons
Enfilés sans art et sans peine.
charmant pays des pompons !
Saxe que nous vous aimons !
Saxe, que nous vous devons
D’amour et de reconnaissance !
C’est de votre sein qu’est sorti
Le héros qui venge la France
Et la nymphe qui l’embellit.
Apprenez que cette Dauphine
Par ses grâces, par son esprit,
Ici chaque jour accomplit
Ce que votre muse divine
Dans ses lettres m’avait prédit ;
Vous penserez que je l’ai vue
Quand je vous en dis tant de bien
Et que je l’ai même entendue.
Je vous jure qu’il n’en est rien
Et que ma muse peu connue
En vous répétant dans ces vers
Cette vérité toute nue
N’est que l’écho de l’univers.
Une Dauphine est entourée
Et l’étiquette est son tourment.
J’ai laissé passer prudemment
Des pantins la foule dorée
Qui remplit son appartement
Et cinq cents dames que peut-être
Venant là pour la censurer
Se sont mises à l’adorer
Dès qu’elles ont pu la connaître.
Virgile était-il le premier
A la toilette de Livie ?
Il laissait passer Cornélie,
Le duc et pair, le chancelier
Et les cordons bleus d’Italie.
Il s’amusait sur l’escalier
Avec Tibulle et Polimnie.
Mais à la fin j’aurai mon tour.
Les dieux ne me refusent guère
Je fais aux Grâces chaque jour
Une très dévote prière.
Je leur dis, filles de l’amour,
Daignez à ma muse discrète
Accordant un peu de faveur
Me présenter à votre sœur
Quand vous irez à sa toilette.

 

Numéro
$3300


Année
1747 mars




Références

Clairambault, F.Fr.12716, p.159-60 - Maurepas, F.Fr.12650, p.109-11 - F.Fr.13659, p.79-80 -  F.Fr.15151, p.126-30 - Arsenal 3133, p.79-80 - Marville, III, 168-69