Epitaphe
Ici gît ou plutôt frétille
Voisenon1
, frère de Chaulieu :
A sa muse vive et gentille
Je ne prétends pas dire adieu,
Car je m’en vais au même lieu,
Comme cadet de la famille2
.
Ici gît ou plutôt frétille
Voisenon, bâtard de Chaulieu.
A sa muse, Catin gentille,
Quoique brouillée avec le Dieu
Qui sur le Pinde règne et brille,
Je ne dis pas un long adieu ;
Car je pars bientôt pour ce lieu
Comme cadet de la famille (CSPL)
- 130 Décembre. On sait que M. de Voltaire était fort lié avec l’abbé de Voisenon, c’est-à-dire autant que deux gens de lettres peuvent l’être. Quoi qu’il en soit, il était naturel que le premier célébrât la mort de l’autre ; c’est ce qu’il a fait par une épitaphe, où l’on voit que la douleur ne l’a pas empêché de s’égayer sur cette triste matière. Voici comme il caractérise son confrère, l’académicien (M.)
- 2M. de Voltaire a griffonné cette espèce d'épitaphe pour l'abbé de Voisenon […] M. de Voltaire est bien modeste. Il s'abaisse jusqu'à s'associer l'abbé de Voisenon, un de nos plus médiocre barbouilleurs de rime. Il ne faut pas trop se reposer sur ces prétendus actes d'humilité; il est permis au reste à Jupiter de descendre jusques aux fêtes saturnales; cela ne tire point à conséquence (CLS et CSLP).
BHVP, MS 699, f°22r - Mémoires secrets, V, 1125 - La Harpe, CL, t.I, p.301 - ClS, 1776, p.6 - CSPL, II, p.306