Au duc de Fitz-James
Au duc de Fitz-James1
Fils indigne du sang qui t’a donné naissance2
,
Proscrit de ta patrie, adopté par la France,
Ministre détesté d’un monarque chéri,
Cesse de déchirer le sein qui t’a nourri.
Contre l’autorité du plus juste des princes,
Toi seul aurais déjà soulevé ses provinces,
Si du cœur des Français ta farouche fierté
Eût pu bannir le zèle et la fidélité !
Odieux étranger, apprends à les connaître ;
Louis seul a le droit de leur parler en maître.
Dociles à sa voix, redoublant leurs efforts,
Ils prodiguent pour lui leur sang et leurs trésors.
Lorsque des publicains l’avidité cruelle
Impose, sous son nom, quelque charge nouvelle,
Père tendre, il permet la plainte à ses enfants,
Il écoute les cris des peuples gémissants.
De sages magistrats, sans blesser sa puissance,
Des Français épuisés lui peignent l’indigence ;
Sensible à leurs douleurs, attendri par leurs maux,
Il adoucit pour eux le fardeau des impôts.
Mais quand des vils flatteurs l’essaim qui l’environne
Ose à la vérité fermer l’accès du trône,
Quand la France aperçoit pour la première fois
L’appareil militaire à la place des lois,
Le soldat effréné, d’une main sanguinaire,
Profaner de Thémis l’auguste sanctuaire,
Et mettre dans les fers, par un lâche attentat,
Les défenseurs du peuple et l’espoir de l’État,
Le plus soumis sujet et s’indigne et s’enflamme
Contre les vils auteurs d’une coupable trame.
Tremble, ingrat ; le courroux d’un prince généreux
Sera le juste prix de tes exploits honteux.
Tu seras à jamais, par ta fière impudence,
La fable de l’Europe et l’horreur de la France.
Le juste désespoir de ce peuple aux abois
Armera contre toi le bras du Roi des rois
Rappelle des Stuarts la déplorable histoire ;
Vertueux, l’échafaud ne ternit pas leur gloire ;
Barbare, ils t’ont tracé ce funeste chemin.
Indigne de leur nom, redoute leur destin.
- 1 - Autre titre : Vers à M. le duc de Fitz-James, au sujet de la manière insolente avec laquelle il s’est comporté envers le parlement de Toulouse, où le Roi l’avait envoyé pour faire exécuter des ordres rigoureux. (M) — Plusieurs parlements de province, celui de Toulouse entre autres, avaient énergiquement protesté contre les nouveaux impôts établis par un édit enregistré dans le lit de justice du 31 mai. Le duc de Fitz-James, pour empêcher les assemblées du parlement, mit tous les membres aux arrêts dans leurs maisons, avec une sentinelle à la porte. « Cependant on ne pouvait tenir éternellement en chartre privée cette compagnie ; il fallut la rendre à ses fonctions et son premier soin avait été de décréter de prise de corps son tyran. Mais comme il s’agissait d’un pair qui avait le droit d’être jugé par ses pairs, on envoya toute la procédure au parlement de Paris pour le procès être continué, fait et parfait au duc de Fitz-James. » (Vie privée de Louis XV.) Mais à Paris, les conseillers par amour-propre déclarèrent le parlement de Toulouse incompétent et cassèrent sa procédure sans inquiéter autrement le duc. (R)
- 231 décembre. Dans la suite du Journal de ce qui s’est passé à Toulouse, on lit ces vers mémorables contre le Duc de Fitz-James (Bachaumont)
Raunié, VII,357-59 - F.Fr.13651, p.274-75 - Arsenal 3128, f°384 - Arsenal 4844, f°300 - Marseille BM, MS 533, f°25r-26r - Mémoires secrets, I, 289-90 - Correspondance secrète, t.II, p126 (Six derniers ver1