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Sans titre

Il faut sans relâche1
Faire des chansons ;
Plus Poisson s'en fâche,
Plus nous chanterons ;
Tous les jours elle offre
Matière à couplets,
Et veut que l'on coffre
Ceux qui les ont faits.

Ils sont punissables,
Peignant ses beautés
De traits remarquables
Qu'ils n'ont point chantés.
La gorge vilaine,
Les mains et les bras,
Souvent une haleine
Qui n'embaume pas.

La folle indécence
De son opéra,
Où, par bienséance,
Tout ministre va.
Il faut qu'on y vante
Son chant fredonné,
Sa voix chevrotante,
Son jeu forcené2 .

Elle veut qu'on prône
Ses petits talents,
Et se croit au trône
Ferme pour longtemps ;
Mais le pied lui glisse,
Le Roi sort d'erreur ;
Et ce sacrifice
Lui rend notre coeur.

Je vois la marquise
Et ses favoris,
Bientôt, quoi qu'on dise,
Regagner Paris ;
L'ami La Vallière3
Le cousin Ferrand4 ,
Le frère Vandière,
L'oncle Tournehem.

  • 1 « Les couplets que l’on a faits contre elle ne sont pas bons, mais ils ont l’air de l’acharnement et de la fureur. En voici un que j’ai retenu, il est sur l’air : Malgré la bataille que l’on donne demain. Il faut sans relâche/ Faire des chansons ; / Plus Poisson s’en fâche, / Plus nous chanterons. / Tous les jours elle offre / Matière à couplets, / Et veut que l’on coffre / Ceux qui les ont faits. Ceci sent la main de l’artiste ; les rimes recherchés de relâche, fâche, offre, coffre, les vers bien faits et la facilité de ce couplet me feraient penser qu’au moins la mécanique est d’un auteur de profession, à qui l’on en aurait donné tout au plus le fond. M. du Chatel disait tout haut, en parlant de la cour, sur ces couplets : Il faut qu’ils soient bien sots, à-bas, pour ne pas reconnaître le style et la manière de Pont-de-Veyle dans toutes ces chansons ! (Collé) Voici la fin d’un autre couplet, où M. le duc de la Vallière est maltraité ; le commencement dit que le roi va renvoyer la Poisson, et tout de suite : L’ami la Vallière, / Le cousin Ferrand, / Le frère Vandière, / L’oncle Tournehem. Celui-ci n’est pas fabriqué aussi bien que les autres, mais il a de la naîveté et de la gaieté. » [Les autres couplets sont reproduits peu après, avec pour seul ajout : voici la suite des couplets sur la marquise] (Collé) (R)
  • 2Mme de Pompadour, pour amuser un prince qui devenait de jour en jour plus inamusable, avait fait construire dans une galerie du palais de Versailles une salle de spectacle connue sous le nom de Théâtre des petits cabinets. Elle y jouait, devant le Roi et un petit cercle d’intimes, la comédie et l’opéra avec un talent auquel le satirique est loin de rendre justice. (R)
  • 3Le due de La Vallière était le directeur de la troupe de théâtre réunie par Mme de Pompadour. (R)
  • 4Ferrand, cousin de la marquise, comptait parmi les musiciens du théâtre. (R)

Numéro
$1060


Année
1749

Auteur
Pont-de-Veyle



Références

Raunié, VII,138-39 - Mazarine Castries 3989, p.356 (premier et dernier couplets) - Collé, I,60-64