Les Succès de la France
Les succès de la France
Les Anglais fiers et jaloux
Voulaient nous faire la nique,
Nous les avons mis dessous,
Ici comme en Amérique.
Aï, ai, aï,
Aï, aï, aï, Jeannette,
Jeannette, aï, aï, aï.
Notre Roi ne veut qu’aucun
Touche aux fleurs de sa couronne,
Et si par hasard quelqu’un
Tant soit peu les lui chiffonne,
Nos valeureux Toulonnais,
Avec La Galissonnière1
,
A seize vaisseaux anglais
Ont donné les étrivières.
Byng2
, croyant nous couler bas,
L’écrivit à sa famille,
Et puis après le combat
Il a mis pour apostille :
Nous avons pincé Mahon3
;
En attendant de mieux faire
Nous chanterons Te Deum.
Ils chanteront au contraire :
Richelieu de port Mahon
Revient tout couvert de gloire,
Lorsque les Anglais liront
Ce beau trait dans son histoire,
Comme un boulet de canon,
Fronsac4
, parti pour Versailles,
Annoncera qu’à Mahon
J’avons grimpé les murailles.
Aï, aï, ai,
Aï, aï, aï, Jeannette,
Jeannette, aï, aï, aï.
- 1La guerre maritime entre la France et l’Angleterre eut pour premier théâtre la Méditerranée. L’escadre du marquis de la Galissonnière, après avoir transporté à Minorque les troupes du maréchal de Richelieu qui devaient assiéger le fort Saint‑Philippe, surveillait les parages de l’île, lorsqu’elle fut attaquée par la flotte de Byng, qui arrivait de Portsmouth. Par suite d’une manœuvre mal combinée, l’avant‑garde de l’amiral anglais se trouvant seule aux prises avec les vaisseaux français, éprouva de graves avaries et Byng dut aussitôt renoncer à la lutte pour rentrer à Gibraltar. La Galissonnière mourut trois mois après ce succès. « La France perdit en lui son meilleur officier de mer ; il avait beaucoup de connaissances, mérite très rare alors chez ses camarades. Elles ne faisaient point tort à son courage, qui n’en devenait que plus utile parce qu’il était plus raisonné. Il était également propre aux combats, au conseil et à l’administration. » (Vie privée de Louis XV.)(R)
- 2L’amiral Byng, traduit devant un conseil de guerre et convaincu de n’avoir pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour détruire la flotte française, fut condamné à mort, malgré le mémoire justificatif que Richelieu avait adressé au roi d’Angleterre en sa faveur. Il fut fusillé le 14 mars 1757, à bord du Saint‑George.(R)
- 3Lorsque Richelieu investit le fort Saint‑Philippe, dont les Anglais avaient fait une citadelle imprenable, on doutait du succès à Paris. Cependant la place capitula après un siège de six semaines, et l’enthousiasme du public pour l’heureux vainqueur fut d’autant plus vif que l’on avait moins compté sur un heureux résultat.(R)
- 4« Samedi matin, 10 juillet, grande nouvelle et grande joie dans Paris : M. le duc de Fronsac, fils du maréchal de Richelieu, a passé hier au soir par ici vers les huit à neuf heures, et a continué sa route pour Compiègne où il est arrivé à près de deux heures du matin. Sa seule présence annonce la prise du fort Saint‑Philippe. La joie est générale, car la difficulté et la longueur de ce siège, depuis le mois de mai, faisaient craindre les événements. » (Journal de Barbier.)(R)
Raunié, VII,264-67 -Clairambault, F.Fr.12721, p.113-14 - F.Fr.10479, f°483 - CLG [éd.Kölving], III,186, 4ème couplet