Aller au contenu principal

Sur l'opéra de Castor et Pollux

Sur l’opéra de Castor et Pollux
Impromptu goguenard
Vient animer ma verve.
Comme un petit Bernard
Rimons malgré Minerve.
Chantons, buvant roquille,
Le nouvel opéra
Sur l’air de la béquille
Du Père Barnaba.


Au tombeau de Castor
Une fille savante
Pour réjouir la mort
Gaiement on chante on danse.
Sa maîtresse gentille
Regrette son trépas
Et surtout la béquille
Du Père Barnaba.


Pollux imprudemment,
Loin de pleurer son frère,
A ce tendron charmant
En ces lieux cherche à plaire.
Pourquoi, dit-il, ma fille,
Pousser de saints hélas ?
Nous avons la béquille
Du Père Barnaba.

Tel air aussi aussitôt (sic)
Lui dit va voir ton père
Demande lui plutôt
Qu’il ranime ton frère.
De le revoir je grille.
Lui seul, dont je fais cas,
Me rendra la béquille
Du Père Barnaba.

Je sens, dit-il, mon tort
Puisqu’on ne peut vous plaire
En enrageant bien fort,
Je vais vous satisfaire.
Alors de cette fille
Il détourne les pas
Resserrant la béquille
Du Père Barnaba.

Mon papa Jupiter
Voici ce qui m’attire.
Mon frère est dans l’Enfer,
Il faut que je l’en tire,
A sa brune gentille
Rendons ce pauvre gars
Au nom de la béquille
Du Père Barnaba.

 

Des dieux le souverain
Lui tenait ce langage
Dans l’antre souterrain
Tu resterais pour gage
Aux lieux où le jour brille
Plaisir, fixez ses pas
Employez la béquille
Du Père Barnaba.

Aussitôt sont venus
Pour apporter remède
Suivantes de Vénus,
Suivants de Ganymède,
Restez ici, bon drille,
Au ciel mieux que là-bas
On joue de la béquille
Du Père Barnaba.

Aux champs Elyséens
Le beau Castor soupire
Il goûte peu de bien
Offert par Télaïre
Enfin il s’égosille
De ce qu’il ne peut pas
Exercer la béquille
Du Père Barnaba.

Pour chasser son chagrin
Une ombre bienheureuse
Gigote un tambourin
Et fort peu scrupuleuse
Autour de lui sautille
Montrant du haut en bas
L’étui de la béquille
Du Père Barnaba.

Pollux paraît. Bonjour
J’adore Télaïre
Mais vainqueur de l’amour
D’ici je vous retire
Allez voir cette fille
Castor, ne tardez pas
Portez-lui la béquille
Du Père Barnaba.

Castor en ce moment
Va trouver sa maîtresse
Est-ce vous, cher amant,
S’écria la princesse
Déjà mon cœur pétille
De prendre nos ébats.
Avez-vous la béquille
Du Père Barnaba ?

Castor lui dit : adieu,
Aux enfers je retourne,
On m’attend dans ce lieu,
Pour jamais j’y séjourne.
Cruel, répond la fille,
Du moins si tu t’en vas
Laisse-moi la béquille
Du Père Barnaba.

De venir jusqu’ici
Jupiter prend la peine ;
Pollux y vient aussi
Sans savoir qui l’amène ;
On s’accorde, on babille.
Princesse, vos appas
Obtiennent la béquille
Du Père Barnaba.

Astres jumeaux, ouvrez
Une noble carrière
Princesse, vous serez
L’étoile poussinière.
Aux cieux que tout gambille
Et par mille entrechats
Célébrons la béquille
Du Père Barnaba.

 

Numéro
$1793


Année
1737




Références

Clairambault, F.Fr.12707, p.279-80 -  Maurepas, F.Fr.12634, p.265-70 - Maurepas, F.Fr.12645, p.173 - Mazarine Castries 3986, p.415-20 -  Arsenal 3136, f°206r-208r - Lyon BM, MS 1553, p.370-77