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Remontrances des fiacres

Remontrances des fiacres1

Plus fiers que Phaeton, les fiacres un beau jour,
Sur deux files rangés dès l’aube matinale,
Pour affaire de corps députés à la cour,
S’éloignaient de la capitale2 .
Le cortège arrive à Choisy,
L’orateur est muet, tous ont le cœur transi,
Et dans un placet pathétique
Au Titus de la France ils dressent leur supplique.
On se disait tout bas : Est-ce un autre Sénat,
Qui veut encor tenir les rênes de l’État ?
Tous les cochers de notre langue
Savent le fin sans avoir rien appris,
Et l’on prétend qu’un de leurs beaux esprits
Avait ainsi préparé sa harangue :
— Sire, vos bons sujets, les fiacres de Paris,
Viennent aux pieds du trône exposer leurs disgrâces.
Le siège est avili ! nos droits sont sans vigueur ;
Prêts à perdre nos biens plutôt que notre honneur,
Nous avons tous quitté nos places.
Au plus juste des Rois nous venons remontrer
Qu’à certains ordres de police,
Pour le bien même du service,
Nous ne pouvons obtempérer. —
Pour des députés de la sorte,
On fait peu de façon au séjour des grandeurs :
Partez, messieurs, partez, leur dit-on à la porte ;
Le devoir vous appelle ailleurs.
Laissez votre placet ; un conseil des finances
Réglera vos prétentions :
Le Roi permet les remontrances ;
Mais reprenez vos fonctions.

  • 1Vous avez su, il y a quelque temps, la singulière ambassade des fiacres de Paris à Choisy : elle a fourni le sujet de ce petit conte (CSPL) - Vers sur la démarche des fiacres, qui, pendant un voyage de Choisy, allèrent en procession en ce lieu pour y porter leurs plaintes et gémissements au Roi à l’occasion de certains impôts vexatoires dont ils voulaient être déchargés, Par M. de la Louptière. (F.Fr.13652) — Le Journal de Hardy raconte ce singulier événement à la date du 13 septembre : « Ce jour, dit‑il, on est informé que, la veille, de grand matin, quatre ou cinq cents cochers de carrosses de place s’étaient rendus de Paris dans la plaine qui fait face au château de Choisy, de l’autre côté de la rivière, qu’après y avoir rangé leurs voitures sur plusieurs lignes, les unes à côté des autres, le plus grand nombre de ces cochers avait passé la rivière et qu’ils s’étaient réunis dans les environs dudit château, où Leurs Majestés étaient arrivées avec toute la cour le mercredi précédent ; que le duc de Villeroy, capitaine des gardes du corps de quartier, surpris, à son lever, d’apercevoir une aussi prodigieuse multitude de voitures, ayant cru devoir faire à ce sujet quelques informations, et s’étant déterminé à traverser lui‑même la rivière pour interroger les cochers qui s’y trouvaient sur les motifs de leur voyage, ces cochers avaient répondu qu’ils étaient venus dans le dessein de présenter un mémoire au Roi pour demander à se rédimer du droit de vingt‑un sols qui se percevait tous les jours par chacune de leurs voitures, attendu le préjudice considérable que leur causait l’établissement de nouvelles voitures qui conduisaient à cinq lieues de Paris. » Le duc les réprimanda vertement et leur intima l’ordre de retourner à Paris, ce qu’ils firent sans délai. (R)
  • 223 décembre. On peut se rappeler la démarche des fiacres, qui, pendant un voyage de Choisy, allèrent, il y a quelques mois, en procession à ce lieu pour y porter leurs plaintes et gémissements au Roi, à l’occasion de certains impôts vexatoires dont ils voulaient être déchargés. M. de la Loupière fit dans le temps une facétie en vers sur ce sujet, qu’il n’osa rendre publique à cause d’une dérision assez forte qu’il s’y permet contre le Parlement ; cependant tout transpire, et l’on a des copies. (Mémoires secrets, 23 décembre)

Numéro
$1436


Année
1777

Auteur
La Louptière



Références

Raunié, IX,128-29 - F.Fr.13652, p.455-56 - BHVP, MS 555, f°143 - Mémoires secrets, X, 318-19 - CSPL, V, 275-76