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Le Tirage de la milice à Paris / La Baguette (Castries)

Le tirage de la milice
A Paris
Choisir au village
Des miliciens,
Blessait le courage
Des Parisiens ;
Mais cette injustice
Va se réparer,
Puisqu’à la milice
L’on nous fait tirer1 .

Çà, point de faiblesse,
Chassons la frayeur,
Fringante jeunesse,
Tirons de bon cœur ;
Si le sort propice
Peut tomber sur moi,
Quel autre service
Vaut celui du Roi ?

Destin, prenez garde,
Levez mon espoir ;
Vite une cocarde
J’ai un billet noir2 ;
Que l’on m’enregistre :
Fortuné hasard,
J’étais un belître,
Je suis un César.

Jadis mercenaire,
Quittons le travail,
Et de militaire
Prenons l’attirail ;
Porter le tonnerre,
Le noble métier,
Pour mon nom de guerre,
Je prends Sans Quartier.

Déjà ma bravoure
Brûle d’être au feu ;
Ventrebleu ! Pandoure3 ,
Nous verrons beau jeu ;
Qu’un diable m’avale,
Si je ne vais pas,
Dans votre timbale
Faire un bon repas.

Louis nous rassemble,
Portons la terreur ;
Que l’ennemi tremble
Et n’ayons pas peur.
Partageons sa gloire
Comme ses exploits,
Forçons la victoire
De suivre ses lois.

Buveur et bon drille,
Je suis un grivois,
Mais j’aime la fille
Moins que le pivois4 ,
Souvent la donzelle
Fait, à notre endroit,
Qu’on se souvient d’elle
Plus qu’on ne voudroit.

Chez nous l’argent roule ;
D’un air opulent,
Pour aller au Roule
Prenons un roulant5 ;
Fiacre, qu’on nous mène
Magnifiquement,
Marche, et pour ta peine
Tu seras content.

Mangeons la salade,
Le fin pigeonneau,
Le vin vieux est fade,
Buvons du nouveau.
Si de bonne chère
L’on est échauffé,
Suivant la manière
L’on prend du café.

La pécune est faite
Pour la dépenser ;
C’est à la guinguette
Qu’il la faut laisser ;
Avant la partance,
Content et joyeux,
Parmi l’abondance
Faisons nos adieux.

  • 1« Grand mouvement dans la ville de Paris ! Le 13 de ce mois (février), on a affiché une ordonnance du Roi pour la levée de la milice dans cette ville, et une ordonnance de M. de Marville, lieutenant général de police, que le Roi commet pour l’exécution du 10 de ce mois. La milice est fixée à dix‑huit cents hommes, dans Paris, de garçons de l’âge de seize ans jusqu’à quarante et de cinq pieds au moins. » (Journal de Barbier.) (R)
  • 2Le tirage de la milice eut lieu, à l’hôtel des Invalides, à partir du 17 avril. « Cela s’est pratiqué chaque jour avec ordre et sans aucun tumulte. Ceux qui ont des billets blancs s’en vont en courant et de bon cœur ; ceux qui ont des billets noirs prennent cela avec patience, et le tout boit de côté et d’autre au retour. Dans les rues on ne voit que des miliciens avec leurs cocardes qui ont bu. ». (Journal de Barbier.) (R)
  • 3 Troupe appartenant à la reine de Hongrie. (M.) (R)
  • 4Mot d’argot, synonyme de vin. (R)
  • 5Autre mot d’argot, synonyme de fiacre. (R)

Numéro
$0988


Année
1743




Références

Raunié, VII,12-16 - Clairambault, F.Fr.12710, p.317 - Maurepas, F.Fr.12646, p.249-52 - F.Fr.15134, p. 748-52 - .Arsenal 3117, f°42v-43r - Mazarine Castries 3988, p.273-77


Notes

Le nommé Gallet, marchand épicier, est l’auteur de cette chanson et la présenta à M. de Marville, et pour récompense il a obtenu ce qu’il désirait, c’était la liberté d’un de ses garçons arrêté comme fuyard.

Voir $0989