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Sans titre

Mon cher voisin, avez-vous vu
Jouer les macchabées1  ?
On n’y trouve point un tissu
De beautés dérobées,
La pièce est neuve, ce dit-on
La faridondaine, la faridondon…
Et le poète l’est aussi, Biribi
À la façon de Barbari mon ami.

N’est-il pas neuf de voir un saint
Qui du sang de ses frères
À l’échafaud vient d’être teint ?
Ne s’en échauffant guère
Trancher après du céladon
C’est un miracle que ceci.

Misaël est un bon enfant
Quoiqu’un peu politique.
On lui trouve un esprit liant
Dès qu’il est fils unique.
Le tout à bonne intention,
C’est toujours en saint qu’il agit.

Ô que la grâce a de pouvoir
Sur une femme vive
Antigone du blanc au noir
Passe et devient juive
Le catéchumène tendron
Veut d’abord être circonscrit.

Ensuite ces pauvres poulets
N’ayant point de lessive,
S’épousent sans prêtre, sans frais,
Et même sans marmite.
Ils se mettent en oraison
Ce qui leur fait prendre un parti.

Sans en rien dire à la maman,
Tous deux prennent la fuite.
L’auteur dans cet événement
Fait briller sa conduite.
Comment sans cette occasion
Aurait-il fait tout ce qui suit ?

Il sauve l’amante et l’amant
Bien sûr de les reprendre,
Mais il fait rester la maman
Tout exprès pour entendre
Antiochus et ses jurons
Et pour bien penser de son fils.

Elle soupçonne le poupart
D’être un brin idolâtre,
Mais on ramène le fuyard
Tout sortant de se battre
Comme un des quatre fils Aimon.
On en fait un très beau récit.

Alors le roi devient brutal :
Au poupart, à sa femme
Il donne pour lit nuptial
Un beau trône de flamme.
Les bourreaux sont les violons,
Misaël en paraît ravi.

On prend le saint pour un poltron
Ô nature, nature !
Il est pardonnable au mignon
De craindre la brûlure.
Avant la consommation,
On brûle ce petit mari.

L’auteur sur la scène est venu
Masqué quoiqu’en carême,
Mais d’abord on l’a reconnu
À son talent suprême
De ne jamais rater le fond
De chaque genre qu’il choisit.

Les froids railleurs s’en vont, disant :
Cet auteur je vous jure
Dispose avec un très grand sens
De la Sainte Écriture ;
Comme le chantre d’Ilion
Il corrige le Saint-Esprit.

Mais très bien, on leur répondra
Dans le prochain Mercure.
Le grand de Pons leur donnera
Bien de la tablature
Et l’illustre abbé Terrasson
Écrira des lettres aussi.

  • 1 Ceci est encore une critique de la tragédie de M. de la Motte. (Castries) Voir $5301.

Numéro
$5302


Année
1721 (Castries)




Références

Clairambault, F. fr.12698, p. 21-23 (presque illisible) -Maurepas, F.Fr.12630, p.347-51 -  F.Fr.9352, f°99r-100v - Mazarine Castries Ms 3983, p. 129-135  - Maurepas 12630 p. 347-351


Notes

Critique de la tragédie des Maccabées, attribuée au Sr de la Motte, qui a été jouée le 6 mars 1721 à la Comédie.