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Sans titre

Or écoutez, petits et grands,

Chose qui révolte les sens,

Chose que j’ai grand peine à dire,

Qui de Dieu doit attirer l’ire,

Chose contre les droits des gens

Et digne des seuls Allemands1 .

Un jeune Roi fort courageux,

Régnant comme ont fait ses aïeux,

Quoique jeune plein de prudence,

Aimant les beaux-arts, la science

Sur le trône à peine monté

Est menacé de tout côté.

Quarante homme, vrais fiers-à-bras,

Choisis parmi les scélérats,

A force ouverte ou par astuce

S’en vont dévers le Roi de Prusse

Pour tâcher de le détrôner,

Et mort ou vif de l’emmener.

D’Allemagne ils partent exprès,

Armés d’excellents pistolets,

De poignards tranchants, Dieu sait comme,

Bourse pleine de bonne somme

Et par un différent chemin

Doivent se trouver à Berlin.

Une douzaine au cabaret

Buvait déjà du vin clairet,

L’hôtesse remarquant leurs armes,

Pleine de frayeur et d’alarmes

En informa le gouverneur

Qui le dit au Roi, son Seigneur.

Aussitôt, sans perdre de temps,

On se saisit des garnements

Qui sans perdre la tramontane

Dirent que le duc de Toscane

Au Roi les envoyait exprès

Pour en délivrer es sujets.

Tous les douze avec grand raison

Furent mis en bonne prison.

On les doit mener en charrette

Pour les faire voir à la Diète

Qui doit se tenir à Francfort

Avant que de les mettre à mort.

Le Roi veut que tout l’univers,

Que tous les royaumes divers

Voient la noire perfidie

De la souveraine d’Hongrie

Ou du moins du Roi son époux,

Auteur de ce beau rendez-vous.

Ne vous étonnez donc plus tant

Si le Prussien met tout à sang,

S’il ravage la Silésie

Avecque si grande furie.

Tous les potentats sont témoins

Qu’on se vengerait à bien moins.

Remercions notre Seigneur

D’avoir empêché ce malheur.

Et vous, rois, liguez-vous de grâce

Pour punir ce Duc et sa race.

Vengez-vous de tous ces forfaits,

Et jamais avec lui de paix.

  • 1Le bruit de Paris était que le grand duc de Toscane avait dépêché quarante bandits pour lui emmener mort ou vif le jeune roi de Prusse, dont douze ont été arrêtés. On prétend même que le chef de cette entreprise est de ce nombre, et que le Roi de Prusse les doit présenter à la Diète de Franfort pour faire voir à tout l’univers l’énormité de cet attentat qui a peu ou point d’exemple dans l’histoire. C’et sur ce bruit, vrai ou faux, qu’on a composé le vaudeville ci-dessus (Castries)

Numéro
$6173


Année
1741




Références

Mazarine Castries 3987, p.332-35