Souhaits d'un poète pour avoir des actions
Souhaits d’un poète pour avoir des actions
Nouveau papier de l’Occident,
Enfant d’un sage ministère,
Venez au jour, on vous attend
Comme notre ange tutélaire.
Heureux, ainsi que votre frère,
Vous faites fortune en naissant ;
Vous gagnez mille pour cent
Au gré de votre illustre père.
Auprès de vous, plein de talent,
Mérite n’est plus que chimère
Et ne gagnerait pas en mille ans
Ainsi que vous l’alliez faire.
Esprit, savoir, bon jugement,
Comme on sait ne rapporte guère.
Il n’est qu’être actionnaire :
On y fait fortune en dormant,
Sans être propre qu’à rien faire
On s’agrandit et l’on prospère
Les ris, les jeux à tout moment
Bercent votre propriétaire.
Pour lui Vénus et son enfant
N’ont point de trait qui soit sévère.
Que vous feriez bien mon affaire,
Nouveau papier de l’Occident !
Pour vous acquérir, comment faire ?
N’est-ce point en me soumettant ?
À ce prix, venez à l’instant,
De Soumissions je fais litière.
Mais s’il faut de l’argent comptant,
Adieu, papier de l’Occident,
Qu’un autre que moi vous acquière
Car je n’ai pas denier vaillant.
Sur mon pupitre rimaillant
Je n’ai gagné rente, ni terre.
À rimer le profit n’est grand ;
Témoin mon corps comme le verre
Devenu frêle et transparent.
Devant moi fortune légère
Fuit aussi vite que le vent.
Ce serait un beau coup à faire
Que vider notre différend,
Mais hélas, je le désespère
Si Law un jour ne l’entreprend.
Nouveau Mercure, décembre 1719, p.110-11