Requête des sous-fermières à Plutus
Requête des sous-fermières à Plutus1
Des superbes palais
Où, grâce à tes bienfaits,
Nous vivions en duchesses ;
Nous t’adressons nos cris
Et ceux de nos maris,
Puissant Dieu des richesses !
Eh quoi ! nous verra-t-on
Sans train, sans équipage,
En baissant notre ton
Rehausser d’un étage,
Ainsi que les bourgeois
N’ayant, comme autrefois,
Que laquais sans livrées,
Supprimant le portier,
Bien plus le cuisinier !
Serons-nous donc livrées
A l’affreux désespoir
De n’avoir plus, le soir,
Ni le duc ni le comte,
Louant d’un repas fin
Et les mets et le vin ?
Oh ! pour nous quelle honte,
En renonçant aux grands,
De revoir nos parents !
Du serpent de l’envie
Déjà quel sifflement !
La noblesse, ravie
De notre abaissement,
Oublie en ce moment
Que d’illustres familles,
Pour obtenir nos filles,
Tombaient à nos genoux.
Chose assez ordinaire :
Plutus nous est contraire ;
On se moque de nous.
Pour comble de disgrâce,
Chacun bénit la main
Qui veut de notre race
Purger le genre humain.
Ah ! périsse la France,
Culbute l’univers,
Avant que la finance
Éprouve un tel revers.
C’est le nerf de la guerre,
S’il faut la soutenir
Et sur mer et sur terre.
Comment entretenir
Nos jeunes capitaines,
En bonnes citoyennes
Qu’ils trouvaient au besoin ?
C’est nous qui prenions soin
De faire leurs recrues ;
Leurs troupes à nos frais
Étaient entretenues ;
Et comment désormais
Payeront-ils leurs dettes ?
Comme nous l’officier
Peut dire : Adieu, panier,
Nos vendanges sont faites.
- 1autre titre: Requêtes des sous-fermières à Plutus au sujet de la suppression de leurs maris (Arsenal 2964)
Raunié, VII 254-56 - Clairambault, F.Fr.12721, p.1-2 - F.Fr.10479, f°406r-407r - Arsenal 2964, f°211-12