Sans titre
Pendant que clos et couvert bis
On est en quartier d’hiver bis
L’infatigable Noailles
Seul pour les autres travaille.
Lampons, lampons,
Camarades, lampons.
Malgré la rude saison
Il sait mettre à la raison
Girone et son arrogance.
Barcelone en est en transe.
Barcelone n’a pas tort
De craindre le même sort,
D’être prise à la moustache
De son gouverneur bravache.
Ce Rodomont gouverneur
S’attend à ce déshonneur.
Cette accablante nouvelle
Lui démonte la cervelle.
Sitôt qu’on lui eut conté
Que Gironne avait sauté,
Dit : je crains avec ma bande
De danser la sarabande.
En vain Girone a vanté
De ses bastions la bonté.
Noailles en quatre semaines
L’a joint à l’ancien domaine.
Noailles, ce cœur de Mars,
Arrivé près des remparts
Avec ses vaillantes troupes
Porte la terreur en croupe.
Notre nouveau Jupiter
Découvrant au bord du ter
Cette ville d’importance
Fit force vive résistance.
Staremberg avec douleur
Voit ce fils plein de valeur
Marcher sur les pas d’un père ;
De Girone il désespère.
Il espérait que les eaux
Feraient cesser les travaux,
Qu’aux assiégeants le déluge
Causerait bien du grabuge.
Cet impérieux élément
Nous causa quelque tourment.
Des grandes eaux la furie
Fit changer la batterie.
D’Estaires on détacha
Qui brûla, prit et hacha
Le régiment du sieur Fabre,
Poursuivi à coups de sabre.
Givry, Caylus et Tournon
Et autres gens de renom
Firent en cette chaude attaque
Laisser beaucoup de casaque.
On attache le mineur
Qui s’en tire avec honneur ;
La mine du maître sire
Fait tout l’effet qu’on désire.
On essuya un grand feu
Dont le Duc se soucia peu.
Le brave fils d’Anne-Jules,
Jamais, jamais ne recule.
Brancas, Guercy, Polastron,
Munis de casque et plastron,
Se rendirent en chefs habilles
Maîtres de la basse ville.
On disposa ce qu’il faut
Pour un général assaut.
La ville en cette escalade
Eut une terrible aubade.
D’un courage plus qu’humain
Nos gens l’épée à la main
Y trouvant si bonne amorce
L’emportent de vive force.
La ville étant aux abois
Dit d’une mourante voix,
Les forces de ce Noailles
Me déchirent les entrailles.
Je ferais avec mes forts
Quelques impuissants efforts
Mais je me sens trop malade.
Battons vite la chamade.
J’attends les nuits et les jours
Qu’il me vienne un prompt secours.
Hélas, fâcheuse pilule,
Faut-il que je capitule ?
Pour le pillage éviter,
l’Escheraine il faut disputer
Au formidable Noailles
Pour signer nos accordailles.
Mes regrets sont superflus
A Charles je ne suis plus.
Il me faut changer de maître,
Ma garde, ailleurs allez paître.
Girone a le cœur contrit
D’être au maître de Madrid.
Tattembac avec sa clique
En est fort mélancolique.
Ce gouverneur Tattembac,
Le nez rempli de tabac,
Dit sans tarder davantage
Envoyons nos quatre otages.
Consultant son almanach,
Dit se frappant l’estomach,
A la fin du mois j’enrage
Il nous faut plier bagage.
Cet intrépide Brancas
Dont en France on fait grand cas
Quoique je dise et je fasse
Vient gouverner à ma place.
A Philippe et à Louis
Par le courrier réjouis,
Le brave Adrien-Maurice
Rend un signalé service.
Cette nouvelle, je crois,
A désolé le faux roi
Disant : moi, m’ôter Girone,
Ce fleuron de ma couronne.
Etendu sur un fauteuil
Demande la larme à l’œil
Où est-il donc ce beau Noailles,
Ce renverseur de murailles ?
La place aurait dû deux ans
Tenir sur cul des géants
Cette reddition me tue,
Je suis comme une statue.
Malgré nos puissants efforts
Girone et ses quatre forts
Se rendent à signor Noailles
Qui use de représailles.
En dépit de nos projets
Je prends de nombreux sujets.
De cette ville la prise
Est pour moi un jour de crise.
Où sont donc ces tourbillons
De mouches à longs aiguillons ?
Le bienheureux Saint-Narcisse
Ne rend plus ses bons offices.
Lampons, lampons,
Camarde lampons.
Clairambault, F.Fr.12695, p.71-78