Aller au contenu principal

Sans titre

 

 

Arrêtez-vous ici, passants1 ,

Regardez attentivement

Vous verrez la Samaritaine

Assise au bord d’une fontaine.

Vous n’en savez pas la raison ?

C’est pour laver son cotillon.

 

Regardez de l’autre côté

Comme le Seigneur est planté.

Leur entretien est sur la grâce.

Il lui parle de l’efficace,

Mais il lui parle doucement

Crainte de l’emprisonnement.

 

Savez-vous bien pourquoi cela ?

C’est que les fils de Loyola

Se sont rendus maîtres des grâces,

Suffisantes comme efficaces,

Et veulent que Dieu, ce dit-on,

Signe la Constitution

 

Enfants mutins de Loyola,

Douterez-vous après cela

Que la grâce est bien efficace ?

Puisqu’en moins de trois mois d’espace

À cette fille on élargit

Son pot devenu trop petit.

 

Les chastes dames de ce lieu,

Suivant le précepte de Dieu,

Remettent à la providence

Leurs besoins et leurs subsistances.

Elle nourrit les théâtins,

Les moines, voleurs et putains.

 

Et vous que l’on hait en tout lieu,

Ennemis des hommes et de Dieu,

Elle vous nourrit, cette grâce

Et toute votre indigne race.

Jusqu’au sein de l’iniquité

Vous en éprouvez la bonté.

 

Plus de cinquante mille fainéants

En sont engraissés tous les ans ;

Leurs fondateurs, gens débonnaires

La vendirent à nos grands-pères.

Vous qui jouissez de leur bien,

Vous la voulez réduire à rien.

 

Est-ce ainsi qu’on trompe les gens ?

Messieurs, rendez-nous notre argent ;

Reprenez votre marchandise

Qui selon vous n’est plus de mise,

Et nous discuterons après

Sur la grâce et sur ses effets.

 

Avec raison la niez-vous ?

Quelqu’un en eut-il moins que vous ?

Vous ne fîtes grâce à personne ;

La grâce aussi vous abandonne

Mais bientôt il arrivera

Que le besoin la prouvera.

 

Le plus injuste des humains

Secondant nos tristes desseins

Et dissipant avec menace

Tous les partisans de la grâce

À fait qu’aucun d’eux aujourd’hui

Ne la veut demander pour lui.

 

Cependant ce grand protecteur

Mourant imita le Seigneur,

Descendu sur les sombres rives

Délivra les âmes captives

Des Pères que depuis longtemps

On détenait injustement.

 

Plus d’un docteur ressuscité

Atteste cette vérité.

D’Albizi, Servien et d’autres

En ont dit maintes patenôtres ;

Mais par un cœur mal obligeant

N’ont rendu grâce qu’au Régent.

 

Or prions la divinité

De l’admettre en l’éternité.

Là, comblé de sa sainte grâce

Il en connaîtra l’efficace.

Nous aimons sa félicité,

Elle fait notre sûreté.

 
  • 1Le bâtiment de la Samaritaine sur le Pont-Neuf à Paris ayant été reconstruit à neuf, il fut fini en 1715 au mois de septembre. À la face de ce bâtiment, du côté du pont, on y a placé une coquille de plomb, aux deux côtés de laquelle on mit N.S. et la Samaritaine. On fit cette chanson sur l'air des Pendus.

Numéro
$8180


Année
1715




Références

Maurepas, F.Fr.12645, p.215-19 - F.Fr.15159, f°51r-53r


Notes

Unique version de la suite d’un poème plus bref ($1645), lui  assez fréquemment attesté. Elle est d'ailleurs fort médiocre.