Sans titre
Chérubin, tu dors à ton aise
Quoiqu’avec ta corde et ton sac
Tu n’as qu’un petit diocèse
Dans un petit coin d’almanach1 .
Sois content, ton âme doit l’être,
Pourvu qu’elle ait de l’équité,
Car ce diocèse est peut-être
Plus grand que ton humilité.
Ton almanach qu’on voit à Rome
Fait rire bien des prélats.
Ils t’appellent tous le Saint homme,
Le pape seul ne raille pas.
Quoi, dit-il, le refus des bulles
Rend ce moine plus orgueilleux ?
Quoi, ses confrère ridicules
Le monseigneurise chez eux ?
Est-il humble comme un apôtre ?
Est-il un second saint Thomas ?
Il n’est rien moins que l’un et l’autre,
Sa cabale en convient tout bas.
Le Roi de France est grand monarque,
Bon politique et vrai dévot,
Mai il ne sait pas bien la marque
Qui distingue un saint d’un dévot.
Jamais un saint ne se propose
Que d’agir canoniquement ;
Mais un bigot, c’est autre chose,
Il fait tout par entêtement.
Il sent très peu ses injustices,
Ses poutres lui sont des fétus ;
Mais il sait si bien que ses vices
Sont tous des singes de vertus.
Saint homme, tu vois que le Pape
Est juste, et dit la vérité.
Deviens humble et cours à la trappe
Te punir de ta sainteté.
- 1Le Père Chérubin, récollet, nommé à l’évêché de Bethléem et compétiteur de M. de Sanlec, s’étant fait mettre dans un almanach en la liste des évêques, cet almanach fut envoyé à Rome à quelques cardinaux qui le nommèrent depuis le Saint homme. Ce qui fait le sujet de la chanson suivante.
Maurepas, F.Fr.12645, p.141-43