Sans titre
Un dernier jour de Carnaval
Dévote fort gentille
S’en vint dans mon confessionnal
Dire sa peccadille
De son innocence charmé,
Je lui dis : ce sont bagatelles.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
À ces mots la reconnaissant
Simple autant que soumise,
Je lui dis en la conduisant
Jusqu’au bout de l’église :
Demain sans faute, après dîné
J’irai chez vous, Mademoiselle.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
J’y fus en effet sans façon,
J’entrai dans sa chambrette.
Je lui dis : mon jeune tendron,
Si vous étiez discrète,
Je vous ferais part d’un secret
Qui vous réjouirait, ma belle.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Je veux bien vous montrer pourquoi,
Lui dis-je, ma chère âme,
Tous les moments que je vous vois,
Mon cœur est tout en flamme.
Oh ! que le Dieu de charité,
Vous a choisi, belle pucelle.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Je veux faire votre bonheur
Dans la vie éternelle,
À condition que votre cœur
À moi seul soit fidèle.
Vous aurez dans l’éternité
Toujours félicité nouvelle
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Ce n’est pourtant pas là le tout,
Il faut être soumise,
Je suis sûr de venir à bout
Dans cette entreprise ;
Je veux tout voir en liberté ;
Ne soyez point du tout rebelle.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Pour réussir dans mon dessein,
Quittez votre chemise ;
Laissez-moi baiser votre sein
Et sa rouge cerise ;
Gardez-vous bien de résister,
Vous manqueriez d’être immortelle.
Ah ! me répondit-elle,
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
Une extase dans cet instant
Prit la jeune fillette.
Je la conduisis doucement
Au bord de sa couchette.
Quelle source de volupté !
En roulant sa vive prunelle,
Ah, ah, ah, me dit-elle
Mon Père, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
F.Fr.15020, f°255r-257r