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Les Dindons

Les dindons
Faisons l’éloge de la France,
Où règne à présent l’abondance,
D’une façon
Que tout le long de la semaine
On y rencontre par douzaine
Dindons, dindons.

Commençons par les gens d’Église :
Admirons la grande sottise
Que fit Beaumont
Par son procédé ridicule,
Il fut exilé pour la bulle,
C’est un dindon.

La cour, ne sachant trop que faire,
Change souvent le ministère,
Raison ou non.
Pour parvenir à quelque règle,
Quand elle croit y mettre un aigle,
C’est un dindon.

Comme la tête la plus nette,
Elle avait placé Silhouette
Sur l’horizon.
Pour rétablir notre finance,
Il ôta toute la confiance ;
C’est un dindon.

Demandant un lit de justice,
A-t-il cru rendre un grand service
Au grand Bourbon ?
Non ; ce dont le bon sens s’étonne,
C’est que tout le conseil l’ordonne.
Que de dindons !

On porte sa riche vaisselle1 ,
On ne garde pas une écuelle,
C’est le bon ton.
Mais, en se servant de faïence,
On fait toujours même dépense,
Dindons, dindons !

Pour faire un exploit de marine,
C’est le grand Conflans qu’on destine,
Non sans raison.
Où va-t-il faire sa descente ?
C’est sur les bords de la Charente.
Ah ! quel dindon !

Quant aux docteurs de Sorbonne,
Ils étaient jadis en personne
De vrais Catons.
Hélas ! depuis quelques années,
Ils font glou, glou aux assemblées,
Oh ! quels dindons !

Qu’un grand choisisse une maîtresse
Qui soit l’objet de sa tendresse,
C’est passion.
Mais qu’il veuille avoir une actrice
De plus de vingt ans de service,
C’est un dindon.

Voltaire s’est fait une gloire,
En santé, de ne vouloir croire
Dieu, ni démon.
Mais dès l’instant qu’il est malade,
Ce grand esprit craint la grillade
Comme un dindon.

  • 1Pour subvenir aux charges extraordinaires imposées par la guerre, le Roi invita par lettres patentes « les bons citoyens à porter leur vaisselle d’argent, soit plate, soit montée, à l’hôtel de la Monnaie. »

Numéro
$1190


Année
1760




Références

Raunié, VII, 323-24 - F.Fr.15141, p.144-47