Requête présentée à M. Thoumic, curé archiprêtre de Saint-Jean par plusieurs poulettes pour empêcher la mort de leur coq qui chantait trop matin et empêchait de dormir l'homme de bien.

Plaise au pasteur des mieux nourris

Et des mieux traités de Cypris

D’écouter les plaintes secrètes

De cinq ou dix jeunes poulettes,

Poulettes dont l’unique appui

Est prêt à périr aujourd’hui

Si vous n’adoucissez un arrêt trop sévère

Et qu’on croit que dans la colère

Vous dicta le dieu des pavots.

Lorsque de notre coq la voix trop éclatante

Et peut-être un peu trop perçante

Alla troubler vote repos,

Sans doute qu’il chantait quelque illustre victoire

Que l’amour sur nos cœurs venait de lui donner.

Charmé de ses exploits et couronné de gloire,

Au plaisir d’en jouir il ne sut se borner.

Heureux, s’il avait pu ne vous pas réveiller

Et que loin de s’en faire accroire,

Il eut voulu recommencer

Des ébats dont notre âme était plus satisfaite

Que de son ardeur indscrète.

Mais c’est là le défaut des amants d’aujourd’hui :

Ils ne sont heureux qu’à demi

Tant que leur victoire est secrète ;

Des faveurs sans éclat ils ignorent le prix.

Parlent-ils de l’objet dont leur cœur est épris

En chantant leurs appas, ils chantent leur défaite.

Tel fut, pasteur, notre héros,

Ce héros pour lequel nous vous demandons grâce.

S’il ne peut contenir sa joie et ses transports,

Ce fut de nos faveurs que naquit son audace.

L’exemple des humains semblait l’autoriser.

En est-il aucun en sa place

Qui n’eût pris plaisir à jaser ?

Excusez donc, pasteur, ce jeune téméraire.

En faveur de nos pleurs, daignez vous apaiser,

Et s’il plaît à l’amour de le favoriser,

Faites qu’à votre exemple il apprenne à se taire.

Pour prix d’un tel bienfait, recevez nos souhaits

Puissent donc un jour nos œufs frais

Vous rendre la voix claire et nette.

Puissiez-vous ne trouver jamais

De cruelles ni d’indifférentes,

Et qu’enfin d’innombrables jours

Vous soient filés par les amours.