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Requête des chiens au gouverneur du Palais-Royal

Requête des chiens au gouverneur du Palais-Royal1
Tous les chiens du quartier vous présentent requête
A vous, monsieur le gouverneur,
Disant qu’il s’est formé contre eux une tempête,
Et que depuis huit jours ils ont eu la douleur
De voir plusieurs de leurs confrères,
Chiens de probité, chiens d’honneur,
Périr sous des mains meurtrières,
Sans qu’on sache l’objet d’une telle rigueur.
Le public même s’en étonne :
Qui peut leur attirer des traitements si durs ?
Ont-ils, dit ce public, pissé contre les murs ?
Parbleu, c’est nous la donner bonne !
Ils chièrent jadis au palais de Jupin,
Et leur ambassade en fut quitte
Pour être chassée au plus vite
A coups de fouet et de gourdin.
Si parfois quelque chienne, encline à la luxure,
Essaye en plein jardin de soulager nature,
Le crime n’est pas capital ;
Et chacun sait que la police
Ne condamne, à son tribunal,
Femelle atteinte de ce vice
Qu’à cinq ou six mois d’hôpital.
On vous aura fait croire aussi que cette engeance
Détruit vos fleurs et vos gazons ;
Mais ce sont, entre nous, de frivoles raisons.
Rien, grâce à votre prévoyance,
N’est en risque dans ce jardin ;
On n’y saurait fouler ni rose ni jasmin,
Un vaste et solide treillage
Des gazons défend le passage,
Et tout est sous la clef, jusqu’à l’eau du bassin.
Révoquez donc, monsieur, un ordre sanguinaire,
Et, pour faire bénir votre gouvernement,
Ne permettez jamais que, d’un séjour charmant,
On fasse un affreux cimetière2 .

  • 1Autre titre : Requête au gouverneur du Palais-Royal au sujet d’un massacre de chiens exécuté dans le jardin (F.Fr.13651)
  • 2F.Fr.13662, qui date la pièce de 1739, propose une autre requête en prose: Signé Rolette, Barnaba, la Mouche, Marquise, Princesse et autres confrères chiens voisins. Recommandé par les Dames du tournant du Palais-Royal et autres jolies femmes de Paris, prient M. le gouverneur de vouloir bien avoir égard à la présente requête ; les raisons en paraissent d’autant plus justes qu’en voulant tuer les chiens on pourrait blesser les hommes et qu’il serait extrêmement triste à une belle de pleurer en même temps la perte de son mari et de son chien.

Numéro
$1237


Année
1730 / 1739 / 1765




Références

Raunié, VIII,51-52 - F.Fr.10475, f°319r-320r - F.Fr.13651, p.208-09 - F.Fr.13662, f°218r-219r - F.Fr.15149, p.280-83