L’Oracle d’Apollon
L’oracle d’Apollon
Quand la pacifique Éminence
Fut élevée à ce haut rang
Que pour le salut de la France
Elle occupe si dignement,
Sur son bizarre événement
Chacun se donna la licence
De raisonner diversement
Et de porter son jugement
Sur les motifs et la séquence
D’un si subit avènement.
L’un lui donna pour fondement
Le génie et l’expérience,
Surtout la sublime science
Et l’esprit du gouvernement
Qu’un cuistre armé de patience
Sait puiser dans un rudiment.
Un autre, à sa haute naissance
L’attribuait ingénument.
L’un, à son bon tempérament
Qui, plus fort que sa conscience,
Digère si facilement
Le poids de la reconnaissance.
Un autre, à l’aveugle obéissance
Qu’à Rome il rend servilement.
Un autre enfin, à l’influence
D’un redoutable talisman,
Propre à perpétuer l’enfance
D’un monarque né seulement
Pour nous prodiguer sa semence.
Mais du mobile édifiant
D’un choix glorieux à la France,
Soit passion, soit ignorance,
Aucun ne juge sainement.
Depuis ce jour, sans apparence
De parvenir au dénouement,
De ce succès obstinément
On cherche encore la connaissance.
Illusion, vaine espérance,
Jamais l’humain entendement
Ne percera le voile immense
Qui cache un mystère si grand.
Les immortels par conséquent,
Peuvent seuls, rompant le silence,
Le développer aisément.
Las de voir notre égarement
Dans un point de cette importance,
Le dieu dont le secours charmant
Des saisons fait la différence,
Veut dissiper l’aveuglement
Qui tient nos esprits en balance.
De ce dieu je sens la puissance,
Il m’inspire, et dans le moment,
Par ma bouche il va clairement
Prononcer. Voici sa sentence :
Fleury de ton heureux destin
La raison est simple et commune.
Si Hercule est fils d’une putain
C’est assez pour faire fortune1 .
- 1Le cardinal de Fleury s'appelle Hercule et on ne connaît pas sa naissance (Lille 64)
F.Fr.15020, f°1198 - NAF. 4773, f°132r-133r - NAF.9184, p.62 - *En 833 Louis le Débonnaire, empereur et roi de France, fut enfermé dans Saint-Médard de Soissons et revêtu de l’habit de pénitent.140-42 - Lille BM, MS 63, p.181-84 - Bois-Jourdain, II, 119-20