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Sans titre

Or écoutez, petits et grands, 

Un assez plaisant accident

Arrivé le long de la rivière

Dedans la semaine dernière

A un Monsieur Locmaria

Aussi triste qu’un libera.

 

A sa porte un grand tas de foin

Qui restait là faute de soin

Vint à servir au badinage

Des écoliers du voisinage,

Du collège de Mazarin

Sur les onze heures du matin.

 

Ce Monsieur de Locmaria

Avait son carrosse par là

Qui était resté à la poste

Sans chevaux et sans nul escorte.

Les écoliers trouvent plaisant

Pour eux d’en faire un passe-temps.

 

Si vous eussiez vu ces badins

Sur le foin faire les lutins.

Dns le carrosse ils s’entassent,

D’autres derrière se placent,

Un autre faisait le cocher

Le tout pour rire et badiner.

 

Alors un palfrenier brutal,

Tous ces enfants veut traiter mal

Et commence à vouloir les battre ;

Eux se disposent à combattre.

Lors on vit les pierres voler

Et du char les glaces casser.

 

Locmaria dedant son lit,

Réveillé par un si grand bruit,

Dit qu’on n’a qu’à faire main-basse 

Sur tous ces chenapans de classe ;

Cet ordre fut exécuté,

Un écolier fut arrêté.

 

D’abord le coupable on mena

Dans la cour, on le fouetta.

Après cette rigueur trop grande

On le renvoya vers sa bande

Qui se résolut sur-le-champ

De venger un affront si grand.

 

Le lendemain, dès le matin,

S’assemblèrent tous ces mutins

Pour voir ce qu’ils avaient à faire

Pour se venger de cette affaire.

Le plan de bataille est donné

Et tout de suite exécuté.

 

Pour combattre en cette action

Des pierres ils font provision,

Puis ils barrèrent les avenues,

Soit sur les quais, soit dans les rues.

Par divers bons détachements

Ils arrêtent tous les passants.

 

Le grand Robbe, leur général,

Aussitôt donne le signal.

D’abord une grêle de pierres

Réduit les vitres en poussière

De Monsieur de Locmaria

Qui en dit son mea culpa.

 

Il veut faire sortir ses gens

Qui sont repoussés dans l’instant

Ayant reçu maint coup des pierres,

Tant par devant que par derrière,

Sans compter un coup de canif

Qui la joue d’un valet fendit.

 

Les assiégés ayant grand peur

Criaient au guet et au voleur,

Ce qu’entendant cette jeunesse

Avecque courage et finesse

Fut acheter dedans l’instant

Beaucoup de cottrets pour six francs.

 

D’un bâton ils arment leurs bras,

Le guet ne s’y attendait pas.

Aussi, dès qu’il vit cette armure

Il se mit en déconfiture.

Les écoliers sur ces fuyards

Tombèrent comme des houzards.

 

Après cet exploit éclatant

Chacun chez soi s’en va content

D’avoir remporté la victoire,

Mais conservant dans sa mémoire

L’affront lamentable et sanglant,

Cause de cet événement.

 

Cet orage étant dissipé,

Locmaria tout consterné

Au collège porte sa plainte,

Veut que par corps et par contrainte

On oblige chaque écolier

De lui payer son vitrier.

 

Les régents sont embarrassés

Voyant ces enfants courroucés

Qui, bien loin de prêter l’oreille

A proposition pareille

Veulent pour peine du talion

Du Breton la fustigation.

 

Gens avares et suffisants,

Craignez d’offenser les enfants.

La vérité sort de leur bouche.

Le faux brillant fort peu les touche

Soyez naturels, généreux,

Ou craignez quelqu’affront fameux.

Numéro
$6499


Année
1742




Références

Mazarine Castries 3988, p.139-44