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Réponse de l’auteur de l’Épître de Genève sur les mêmes rimes

Réponse de l’auteur de l’Épître de Genève

sur les mêmes rimes

Imposteur, dont la langue ose de jansénisme

Taxer les défenseurs du plus parfait papisme

Qui ,couvert du manteau du sacré Vatican,

En soutient moins les droits que ceux de l’Alcoran,

Je vais pour réprimer ton superbe langage

Du fier Confucius emprunter le suffrage

Et montrer qu’animé d’une noire fureur

Tu mêlas le papisme avec sa vaine erreur

Et que des saints prélats négligeant la censure,

Détournant à ton gré le sens de l’Écriture,

L’encensoir à la main, à ce roi des docteurs,

On te vit immoler le Ciel et les pasteurs.

Ton âme dans l’Europe à Molina soumise

Tient les bonzes ailleurs pour chefs de ton Église

Et, méprisant Gamache, Isambert et Duval,

Croit que c’est faire bien que faire bien du mal.

Rome chez tes Chinois passe pour une folle,

Près de Confucius le pape est une idole ;

Ce Chinois est ta règle et tu crois qu’à ses mains

Le Ciel a confié le salut des humains.

Selon toi, les prélats dans le siècle où nous sommes,

S’ils ne suivent ta secte, à peine sont des hommes.

Tu veux en somme unir la pagode et la croix.

Sans cela l’Évangile est sans force et sans poids ;

On n’en fait point de cas, et la sainte Écriture

Si l’on est mandarin n’est que chimère pure.

Qu’à Rome du concile on accepte la loi,

Dans la Chine chacun est maître de sa foi,

Le turban à Byzance, et à Rome la tiare,

Le plumet au Japon ; sans crainte qu’on s’égare,

Tout vous convient assez, et vous traitez de fous

Ceux qui ne veulent pa s’en rapporter à vous.

Mais c’est, dira quelqu’un, profaner l’Évangile.

Ce dogme est censuré par maint et maint concile.

Les papes l’ont proscrit. Quoi, le pape aujourd’hui

Prétend-il qu’à la Chine on dépende de lui

Direz-vous ? Non. Qu’à Rome il traite d’hérétiques

Du profond Augustin les enfants pacifiques,

Qu’il fronde des docteurs les sages jugements

Et frappe, s’il le veut, Rome et les fondements ;

Mais qu’il sache qu’ailleurs c’est un autre langage

Et s’il veut y trancher du pontife romain

Qu’il saura ce que peut, les foudres à la main,

Une Société qui, malgré la censure,

Approuve le massacre et soutient l’imposture.

Entendons-nous toujours le pape et les docteurs

Nous crier : Écoutez la voix de vos pasteurs,

Dès qu’on sort du chemin fait pour les catholiques,

On se peut en suivant des dogmes chimériques

Qu’ils portent loin d’ici ces devots sentiments.

À la Chine on écrit des brefs, des mandements,

L’on y prétend en vain sous un pouvoir injuste

Soumettre un corps terrible autant qu’il est auguste ;

Qui prétend nous dompter prend des soins superflus,

De l’univer entier nous ferons absolus

Quoique de nos tocsins on ait dit en Provence,

En Flandre, en Allemagne, en Italie, en France,

Quiconque prétendra braver notre courroux

Quelque soutien qu’il ait périra de nos coups.

Voilà les beaux transports où ton cœur s’abandonne.

Par là tu crois ternir l’éclat de la Sorbonne.

Contre elle tu te sers des armes de Clément,

D’un poète pervers, sans foi, sans jugement,

D’un fanatique outré dont l’indigne langage

S’offre fort à propos pour seconder ta rage,

Dont, fade imitateur, tu prônes les arrêts

Et fais passer les vers pour de sacrés décrets.

Ton insolente verve embrassant sa défense

Montre quelle est ta secte et son insuffisance.

Tu comptes sur l’appui de quarante prélats

Qui bravent comme toi les lois, les magistrats,

Mais des auteurs armés contre un dogme profane

Le savoir fait pâlir quiconque les condamne.

Ces pieux défenseurs des saintes libertés

Proscrivent d’un seul mot vos lâches nouveautés

De maints arrêts déjà votre audace est flétrie

Et de joie on entend le peuple qui s’écrire :

Démasquez ces cafards, débrouillez ce chaos,

Qu’ils tremblent à l’aspect de vos saints tribunaux,

Que la fougueuse troupe en toque non carrée

Apprenne à respecter l’autorité sacrée,

Et que par ses discours le timide chrétien

Ne soit jamais réduit à ne croire plus rien.

Oui, rimeur insensé, qui blâme la Sorbonne,

Ne dois-tu pas frémir d’un décret qui t’étonne.

Apprends que Jouvency parmi nous abhorré

À vu brûler son fils1 au bas du grand degré.

Tu te plains qu’aujourd’hui l’école sorbonique

Elève le mérite au siège apostolique,

Brave des faux faux pasteurs la tyrannique loi

Et maintienne en l’Église une sincère foi.

Courage, Ignaticien, ce temps peu favorable

T’engage à décrier un pouvoir qui t’accable.

Si tu ne le préviens, je crains pour toi le sort

Des Châtels,des Guignards dont le puissant effort

Si l’on n’en eût pas fait un mémorable exemple

A l’idole, au vrai Dieu n’aurait qu’un même temple.

 
  • 1Le livre contenant l’histoire de ce qui s’est passé dans la société pendant le siècle.

Numéro
$6862


Année
1716




Références

BHVP, MS 551, p.526-30


Notes

Réponse à $4387 qui lui-même répliquait à $4586