

La disgrâce de Simonne1
Le Compère
Eh ! bonjour, dame Simonne2,
Qu’as-tu donc fait de Colin ?
Tout le village3 s’étonne
Qu’il ne file plus ton lin.
Il est d’un si bon plumage,
Il est d’un si beau parage,
Et comment donc, et pourquoi,
S’est-il éloigné de toi4 ?
La Commère
Ah ! vraiment, mon cher compère,
Vous ignorez mes malheurs.
Ce berger ne m’aima guère ;
Dans nos premières ardeurs,
Je voulus user d’adresse
En lui ôtant ma tendresse ;
Mais Colin plus fin que moi
S’aperçut du double emploi5.
Il en conçut tant d’ombrage,
Il m’en voulut tant de mal,
Que pour venger cet outrage
Il éloigna son rival6 ;
Il me dit tout en colère.
Par la morbleu ! je veux faire
Tout seul chez vous la moisson
Et l’œuvre de la maison.
Je répandis quelques larmes
Pour apaiser sa fureur ;
Je fis éclater mes charmes
Et feignis quelque langueur,
Mais je ne pus si bien faire,
Ni conduire mon affaire,
Qu’il ne reconnût en moi
Que je lui manquais de foi.
D’abord il n’en fit usage
Et parut m’aimer si fort,
Que je me crus au village
La maîtresse de son sort.
Mais Colin, ce bon apôtre,
Se rendit maître d’une autre,
Et me chassa de ces lieux7
Qui semblent faits pour les dieux.
Hélas ! tout ce qui me glace
Dans un si pénible état,
C’est qu’une autre a pris ma place,
Dont les traits ont plus d’éclat.
Elle est plus jeune et plus belle8 ;
J’ai beaucoup moins d’esprit qu’elle ;
Elle me le retiendra
Jusqu’au jour du Libera.
Le Compère
Mais aussi, dame Simonne,
Dans un tel contentement,
Pourquoi diable être friponne
Et tromper impunément ?
Un trop grand feu vous allume,
Trop de désirs vous consument.
Allez, de votre dépit
Tout le village se rit.
Numéro $0451
Année 1721
Sur l'air de ... Quand Moïse fit défense d'aimer la femme d'autrui
Description
Dialogue entre Compère et Commère
Références
Raunié, IV,35-38 - Maurepas, F.Fr.12630, p.408-10 - Arsenal 2962, p160-66 - Arsenal 3231, p.628-30
Mots Clefs Régent, amours, Mme de Parabère, parabole villageoise, Mme d'Averne