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Epitaphe du Régent

Épitaphe du Régent
Ci-gît qui de Dieu se moquait
Et dont à présent Dieu se moque ;
Qui, par ses tours subtils, sa manœuvre équivoque,
Ses dehors séducteurs et son brillant caquet,
Engeôla les Français et saisit leur défroque
Pour en faire à leur barbe un éternel banquet.
Par sa crapule enfin, la Mort qu’il provoquait1 ,
Le prenant pour un porc, lui dit dans un colloque :
Crève, toi, voilà le baquet.
Ainsi fit le glouton après maint saupiquet ;
Se trouvant plein comme un œuf dans sa coque,
Il creva comme un vieux mousquet,
En rognonnant quelque affreux soliloque,
Dont aussitôt son âme au breniquet
Fut droit chez Lucifer, qui maintenant la croque.
Ah ! quel bonheur pour nous, si son dernier hoquet
Dès l’an mil sept cent dix eût trouvé son époque !

  • 1Lorsque le duc d’Orléans accepta les fonctions de premier ministre, il parut d’abord vouloir se livrer au travail, et l’on put croire un moment qu’il allait renoncer à sa vie de débauches. « Mais sa paresse et la dissipation lui firent bientôt abandonner les affaires aux secrétaires d’État, et il continua à se plonger dans sa chère crapule. Sa santé s’en altérait visiblement, et il était la plus grande partie de la matinée dans un engourdissement qui le rendait incapable de toute application. On prévoyait que d’un moment à l’autre il serait emporté par une apoplexie. Ses vrais serviteurs tâchaient de l’engager à une vie de régime, ou du moins à renoncer à des excès qui pourraient le tuer en un instant Il répondait qu’une vaine crainte ne devait pas le priver de ses plaisirs ; cependant, blasé sur tout, il s’y livrait plus par habitude que par goût. Il ajoutait que loin de craindre une mort subite, c’était celle qu’il choisirait. » (Duclos.) (R)

Numéro
$0565


Année
1723




Références

Raunié, IV,279-80 - Clairambault, F.Fr.12699, p.66 - Maurepas F.Fr.12631, p.103