Sur les disputes musicales
Sur les disputes musicales1
A voir messieurs les gluckistes
Avec messieurs les ramistes
Et messieurs les piccinistes
Perpétuer le débat,
Je crois voir les jansénistes
Querellant les molinistes,
Et cherchant noise aux thomistes
En se disputant le pas.
Les premiers, dont la manie
Dégénère en calomnie,
Trouvent Rameau sans génie,
Et soutiennent au procès
Que l'auteur d'Iphigénie
Du fond de la Germanie,
Apporte enfin l'harmonie
Aux imbéciles Français.
Les seconds, que cela choque,
Disent que Gluck est baroque,
Qu'en France, avant son époque,
Le vrai beau se décida;
Et qu'il n'est point équivoque
Que Rameau, dont on se moque,
Seul le tira de sa coque
Avec les fils de Léda.
Les troisièmes, qui font clique
Pour Piccini, le tragique,
Par maint bravo fanatique
Voudraient le proclamer roi,
Et démontrer sans réplique
Que Rome est le centre unique
De l'excellente musique
Aussi bien que de la foi.
Oui, par malheur, voilà comme,
De ce trio qu'on renomme,
On veut nous prouver qu'en somme
Un seul membre a de bons droits.
Ventrebleu! cela m'assomme.
Partageons plutôt la pomme :
Pourquoi ne voir qu'un grand homme
Où nous pouvons en voir trois ?
- 1Les disputes musicales qui font tant de bruit depuis quelque temps ont échauffé la verve de M. Auguste [pseudonyme de Piis]. Voici les couplets de sa façon qui courent à ce sujet. Ils se chantent sur l’ancien air des Trembleurs. (Mémoires secrets)
Barbier-Vernillat, III, 194-95 - Mémoires secrets, t.VIII, p.282-83 - CSPL, VIII, 282-83