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Remontrances de saint Louis au Parlement

Remontrances de saint Louis au Parlement
De par tous les amis du trône,
Aux gens tenant le Parlement
Et respectant peu la couronne,
Saint Louis remontre humblement
Que ce n’est point l’usage, en France,
Que des sujets contre le Roi
Fassent, en réclamant la loi,
Acte de désobéissance1 .

Qu’il est honteux que la balance
Du sceptre usurpant le pouvoir,
Ose, au mépris de son devoir,
Fomenter avec insolence
Des troubles dont la violence
A compromis la vérité ;
Qu’il est honteux que le silence,
Imposé par l’autorité,
Soit taxé par l’indépendance
De faveur et d’iniquité.

Que c’est un dangereux système
D’oser, chez un peuple soumis,
Se jouer du pouvoir suprême
Et lever sur le diadème
Le glaive effronté de Thémis.

Que ce système abominable
Ferait horreur à des Anglais ;
Qu’il paraît à tout bon Français
Une extravagance exécrable,
Digne de ces temps abhorrés
Où l’on vit un moine coupable
Séduit et poussé par degrés
Au forfait le plus détestable.

Que, pour obvier à ces maux,
A Bicêtre il faudrait conduire
Tous ceux qui s’efforcent d’induire
La France en des troubles nouveaux,
Et par quelques faibles cerveaux
Se laissent mener et séduire.

Telles sont, gens du Parlement,
Les vérités qu’en conscience
A cru, sur votre extravagance,
Devoir vous offrir humblement
Le plus grand Roi qu’ait eu la France2 .

  • 1Pour mettre un terme aux accusations dont il était l’objet de la part des Bretons, le duc d’Aiguillon avait demandé à être jugé par la cour des pairs. Le Roi en personne alla présider les débats, qui furent inaugurés avec solennité. Mais au bout de quelques mois, cédant aux instigations de Mme du Barry et du chancelier Maupeou, il annula la procédure ; comme le Parlement avait déclaré tout aussitôt le duc privé des privilèges de la pairie jusqu’à ce qu’il se fût purgé des soupçons qui entachaient son honneur, le Roi cassa cet arrêt, le 3 septembre, et fit enlever des registres du Parlement toutes les pièces du procès. Les magistrats, qui étaient sur le point d’entrer en vacations, décidèrent que l’affaire serait continuée à la rentrée, « considérant que la multiplicité des actes d’un pouvoir absolu exercés de toutes parts contre l’esprit et la lettre des lois constitutives de la monarchie française, et certainement contre le vœu intime du seigneur Roi est une preuve non équivoque d’un projet prémédité de changer la forme du gouvernement et de substituer à la force toujours légale des lois, les secousses irrégulières d’un pouvoir arbitraire ; que, dans un moment de crise aussi violent, il est de l’intérêt le plus pressant que les lois fondamentales restent sans atteintes nouvelles pour conserver tout l’effet que leur réclamation ne peut manquer d’avoir dans des circonstances plus favorables à la vérité… »(R)
  • 2On voit que cette pièce ne peut sortir que de la plume de quelque aiguilloniste, c’est-à-dire, d’un partisan très outré du despotisme. (Mémoires secrets)

Numéro
$1288


Année
1770




Références

Raunié, VIII,183-85 - Mémoires secrets, III, 1422-23