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La Prise de Port-Mahon

Pour réprimer l’arrogance
Et l’audace des Anglais,
La gloire anime les Francais.
Sur les côtes de Provence
On assemble avec succès
De bons et fidèles sujets.
Les vieillards et la jeunesse,
Les bourgeois et la noblesse
Bravant l’horreur du trépas,
Les bourgeois et la noblesse,
A Louis offrent leurs bras.

L’activité, le courage,
Accélèrent les travaux,
La mer gémit sous nos vaisseaux ;
Dans ce périlleux voyage,
Officiers et matelots
S’empressent d’aller sur les flots.
Déjà l’escadre fait voile
Et sous une heureuse étoile
Arborant son pavillon,
Et sous une heureuse étoile
Elle arrive à Port-Mahon.

Richelieu qui la commande,
Dont on connaît la valeur,
Inspire le zèle et l’ardeur ;
Il faut que l’île se rende,
Ou que le héros vainqueur
Use avec elle de rigueur ;
L’offense est trop violente,
Une vengeance éclatante,
Fatale à nos ennemis,
Fera respecter les lys.

Quoique un bord impénétrable1
Ne montre aux yeux que canons,
Que remparts et bastions ;
A cet aspect formidable,
Le Français en action
S’avance sans émotion ;
Rien ne résiste à ses armes,
La terreur et les alarmes
Rendent nos soldats vainqueurs2 .

Trop orgueilleux insulaires,
Abandonnez Port-Mahon,
Et retournez en Albion,
Vous agirez à vos affaires ;
Et pour votre trahison
Vous méritez punition ;
Prétendus maître de l’onde,
Vous passerez dans le monde
Quoiqu’il vous en coûte cher,
Vous passerez dans le monde
Pour des écumeurs de mer.

Qu’une si belle conquête
Rende à jamais en tous lieux
Le nom de Louis glorieux ;
Que tout bon Francais s’apprête,
Avec des transports joyeux,
A célébrer ce jour heureux.
Et que l’Anglais, humble et sage,
Travaille à calmer l’orage
Qui menace son pays,
Travaille à calmer l’orage
Dont le menace Louis.

  • 1« En entrant dans le fort Saint‑Philippe, en voyant les vivres et les munitions immenses dont il était garni, une garnison fraîche et se reposant dans de superbes casemates avec autant de sécurité que s’il n’y eût pas eu de siège, une forteresse taillée dans le roc vif impénétrable au canon, des fossés d’une profondeur énorme, des mines nombreuses et vastes, capables d’engloutir des bataillons entiers, les Français furent effrayés des dangers qu’ils avaient courus ; malgré leurs fatigues et leurs pertes, ils les estimèrent bien peu proportionnées à leur triomphe ; ils n’osaient le croire. » (Vie privée de Louis XV.)(R)
  • 2C’est surtout à son audace et à l’impétuosité des soldats que le maréchal de Richelieu fut redevable du succès. « Bravant le feu terrible des assiégés, l’on sauta dans les fossés profonds de dix‑sept pieds et l’on planta les échelles qui n’en avaient que dix. Ce désavantage n’intimida pas les grenadiers ; en montant sur les épaules les uns des autres ils escaladèrent le roc et s’y logèrent. Cette audace incroyable étourdit tellement la garnison et le vieux gouverneur, que malgré la petite perte qu’ils avaient faite et le bon état des troupes dans toute leur vigueur ; malgré l’état non moins bon du corps de la place, capable de résister encore longtemps, le conseil de guerre opina pour capituler. » (Ibid.)(R)

Numéro
$1153


Année
1756




Références

Raunié, VII,267-70 - F.Fr.10479, f°488