Portrait de Voltaire
Portrait de Voltaire1
Raphaël pour le trait, Rubens pour la couleur,
De la prose et des vers possédant la magie,
Écrivain très sensible ou très malin railleur,
Dans le vaste champ du génie,
De chaque genre il a cueilli la fleur.
Le rire est son secret, son arme est la saillie ;
Que de fois dans ces riens dont il est créateur,
Déguisant la raison sous l’air de la folie,
Sans en prendre le ton, il fut législateur !
Sachant tout embrasser, sans peine il associe
Le compas de Newton aux pompons d’Émilie ;
Même après La Fontaine il est joyeux conteur,
Même après l’Arioste il charme l’Italie,
Il s’élève, descend, gaiement se multiplie ;
Plein de grâce ou de nerf, de souplesse et d’ardeur,
Il plane en aigle, en serpent se replie,
Au Plaute des Français laisse la profondeur,
Et va d’un fard brillant enluminer Thalie.
Plus piquant que fidèle, agréable et trompeur,
Par ses jolis romans l’histoire est embellie ;
Bien loin de se montrer scrupuleux narrateur
Des sottises qu’il apprécie,
Toujours en philosophe, il ment à son lecteur,
Qu’avec la vérité si souvent on ennuie ;
Et rival des anciens, autant qu’imitateur,
Dans l’épopée ou dans la tragédie,
Ornant ce qu’il dérobe, il est plus qu’inventeur.
- 131 octobre. M. Dorat répand un Portrait de Voltaire en vers qui ne plaît pas à tous ses partisans : en convenant de ses grandes qualités, il ne dissimule pas ses défauts : au reste, tout porte sur l’auteur et rien sur la personne, qu’il avait précédemment assez maltraitée dans d’autres vers qu’il a prudemment désavoués. Voici ceux d’aujourd’hui (M.).
Mémoires secrets, XII, 150-51