Sans titre
Savante Dacier cet ouvrage
Où le galant Anacréon
Parle si bien notre langage
Paraît en vain sous votre nom.
L’amour lui seul a su le faire
Et le dieu m’en a fait serment,
Voici comme il conte l’affaire
Vous m’en démentirez s’il ment.
De se soumettre à son empire
Un jour il somma votre coeur
Avec un dédaigneux sourire
Vou défiâtes le vainqueur.
Il tend son arc, flèche sur flèche,
Dans l’instant vole contre vous
Mais les traits loin d’y faire brèche
Sur votre coeur s’émoussaient tous.
D’un de ses traits vous vous vengeâtes
Et portant des coups plus certains
Il eut beau fuir, vous le blessâtes
Il tomba captif en vos mains.
Il dit qu’en sortant d’esclavage
Il vous donna pour sa rançon
Ce qu’il estimait davantage,
Et ce fut votre Anacréon.
Comme on imite ce qu’on aime
J’ose l’imiter à mon tour
Mais je n’ai pas trouvé de même
L’ouvrage tout fait par l’amour.
Revue d’amour1
Il n’est rien dit-on que je n’aime
Vous me le reprochez toujours
Hier pour en juger moi-même
Je rassemblai tous mes amours.
L’un à la fin de sa carrière,
Le carquois vide, l’arc baisé,
Portant un flambeau sans lumière
De vieillesse était tout cassé.
L’autre ne battait que d’une aile
Et se soutenait à demi,
Comblé des faveurs d’une belle
Était déjà presque endormi.
L’un de dépit rompait ses armes,
Accablé d’un malheur nouveau,
Une ingrate causait ses larmes
Qu’il essuyait de son bandeau.
L’autre, rebuté des caprices,
De l’objet qui le fait brûler
Pour porter ailleurs ses services
Etait tout prêt à s’envoler.
Avec eux, charmante Climène,
Parurent encore milles amours
Que je reconnaissais à peine
Pour m’avoir servi quelque jour.
Mais un autre dont, ce me semble,
La beauté les effaçait tous
Sur un portrait qui vous ressemble
Attachait ses regards jaloux
Aussitôt qu’on le vit paraître
Toute la troupe s’envola,
Et je n’en veux plus laisser naître
Il me suffit de celui-là.
Autres couplets
Dans ce lieu riant et tranquille
Sylvie, employons ce beau jour
La nature a fait cet asile
Pour les favoris de l’Amour.
Dans ces solitaires bocages
Habitent les plaisirs secrets
Et l’on ne voit sous leurs ombrages
Que des oiseaux, témoins discrets.
Charmé d’une rive fleurie
Le ruisseau cherche à s’arrêter
Et fait cent tours dans la prairie
Qu’il semble craindre de quitter.
Le zéphir y caresse Flore
J’en ressens le souffle amoureux
Et la déesse y fait éclore
Mille fleurs, gage de ses feux.
L’amour règne en ces lieux champêtres
Les verts gazons ne sont foulés
Que des amants qui sous les hêtres
Ne cessent jamais d’y chanter.
- 1Autre poème avec ce titre ?
Arsenal 3115, f°227v-229r - Lyon BM, MS 1552, p.440-46