La Vaporeuse
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire1
,
De déplaisir
L’Amour ne fait mourir.
Ne pouvez-vous languir,
Messieurs, sans me le dire ?
Épargnez la fadeur,
Trêve de vive ardeur,
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
A ma toilette un Abbé me fait rire ;
Mon perroquet
Retient tout son caquet ;
Mon singe est plus coquet
Depuis qu’il vient m’instruire.
Mais s’il m’offre son cœur,
Percé d’un trait vainqueur,
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
Certain Robin s’en vint un jour me dire :
Dieux ! que d’appas,
On n’y résiste pas ;
Et puis d’un ton plus bas :
Aimez, belle Thémire ;
Un peu de volupté
Sied bien à la Beauté.
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
Un beau Marquis que tout Paris admire,
Me divertit ;
Il chante, il danse, il rit,
Il pétille d’esprit,
Il folâtre, il soupire :
Quelquefois tout à coup,
Il tombe à mes genoux.
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
Un Financier, n’allez pas en médire,
Me traite au mieux ;
Ses soupers sont des dieux,
Son Champagne mousseux ;
Mais dès qu’il s’attendrit,
Tout mon feu se transit.
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
Il est charmant, partout on le désire,
Mon Médecin,
C’est un homme divin ;
Ses doigts d’un blanc satin
S’exercent sur ma lyre,
Puis il touche mon bras,
Un jour il le serra.
J’ai des vapeurs quand un Galant soupire,
Quoi, des vapeurs ? Je les guéris, ma chère2 ,
C'est mon devoir
et j'en ai le pouvoir
Si vous pouviez savoir…
(Mais non, c'est un mystère)
Pour guérir ce mal-là
Quel baume il employa…
Plus de vapeurs quand je vois le bon père.
Mémoires secrets, IX, 157-58 - CSPL, III, 33-36