sans titre
Chanson de la bouillotte
Momus pour animer mes chants,
Prête-moi ta calotte1 .
Que n’ai-je les rares talents
De Voltaire et La Motte
Pour chanter la
Pour chanter la
Pour chanter la bouillotte.
Sigogne, Esculape nouveau,
L’honneur de ta marotte,
Pour guérir le peuple badaud,
Cette gente fallotte,
Inventa la
Inventa la
Inventa la bouillotte.
En vain toute la faculté
Le berne et le ballotte
Elle n’a point pour la santé
De plus sûr antidote.
Rien ne vaut la
Rien ne vaut la
Rien ne vaut la bouillotte.
Son odeur flatte l’odorat
Plus qu’ambre et bergamote,
Son goût exquis et délicat
D’abord vous ravigote.
Et vive la
Et vive la
Et vive la bouillotte.
Pour s’abreuver de ce nectar
Chez lui tout Paris trotte.
Habé2 fait à chacun sa part
Et régit la goulotte
D’où coule la
D’où coule la
D’où coule la bouillotte.
On vit chez lui tout à la fois
La catin, la dévote,
Le béat avec le grivois,
La duchesse et Javotte
Qui prennent la
Qui prennent la
Qui prennent la bouillotte.
Jaloux qui désirez dormir
Ainsi qu’une marmotte,
Vieillards qui voulez rajeunir
Et pousser quelque botte
Prenez de la
Prenez de la
Prenez de la bouillotte.
Et vous qui vous êtes frotté
Contre une sale cotte
Et dont Madelon a gâté
Par malheur la culotte,
Prenez de la
Prenez de la
Prenez de la bouillotte.
Prenez-en pour le mal au cu,
Pour mal à l’épiglotte3 ,
Prenez-en pour un chien perdu.
Même à propos de botte
Prenez de la
Prenez de la
Prenez de la bouillotte.
De cent miracles qu’elle a fait
J’ai plus d’une anecdote,
Beauffremont de tout son effet
Tient une exacte note.
Prenez de la
Prenez de la
Prenez de la bouillotte.
- 1Ces couplets sont de l’abbé de Latteignant, fils d’un conseiller au Parlement, qui par complaisance pour M. l’archevêque de Reims dont il a l’honneur d’être ami, lui tenait compagnie chez Sigogne lorsque ce prélat y allait prendre sa bouillotte. L’abbé s’y ennuyant, un jour y ft les couplets en question. Sigogne a été si piqué de cette chanson, qu’il en a fait des plaintes très amères à cet archevêque et l’a prié de ne plus amener chez lui ce détestable abbé, et il a fait ce qu’il a pu pour engager M. de Bauffremont dans son parti. Mais ces deux seigneurs ont ri des couplets tous les premiers et se sont moqués du plaignant.
- 2Bouez de Sigogne, médecin du Roi au moyen d’une charge des Cent Suisseq qu’il a achetée, apprit la médecine dans un livre de médicaments et de remèdes qu’il a étudié pendant un séjour de deux ans à Bicêtre, où il se fit enfermer, étant soldat aux Gardes, pour ses faits et gestes. Ce qui est de certain, c’st qu’il a de l’esprit et que ce qu’il sait de chimie lui a fait imaginer de distribuer des remèdes de sa façon dont plusieurs personnes se sont bien trouvées. Il a même eu le bonheur de faire un mariage qui, dans le commencement, lui a été très avantageux par le besoin qu’il en avait alors.
- 3Épiglotte, petit morceau de chair attaché au gosier qui empêche les aliments de tomber dans la poitrine.
F.Fr.15153, p.291-95 - BHVP, MS 66, f°2r-3r (moins le dernier couplet) - Mazarine Castrie 3988, o.339-43