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Épître aux Bostoniens

Épître aux Bostoniens1
Parlez donc, messieurs de Boston,
Se peut-il qu’au siècle où nous sommes,
Du monde troublant l’unisson,
Vous vous donniez des airs d’être hommes.
On prétend que plus d’une fois
Vous avez refusé de lire
Les billets doux que Georges trois
Eut la bonté de vous écrire.
Il paraît, mes pauvres amis,
Que vous n’avez jamais appris
La politesse européenne,
Et que jamais l’air de Paris
N’insinua dans vos esprits
Cette tolérance chrétienne
Dont vous ignorez tout le prix.
Pour moi, je vous vois avec peine
Afficher, malgré les plaisants,
Cette brutalité romaine
Qui vous vieillit de deux mille ans.
Raisonnons un peu, je vous prie :
Quel droit avez-vous plus que nous
A cette liberté chérie
Dont vous paraissez si jaloux ?
D’un pied léger la tyrannie
Vole, parcourant l’univers ;
Ce monstre, sous des noms divers,
Écrase l’Europe asservie ;
Et vous, peuple injuste et mutin,
Sans pape, sans rois et sans reines,
Vous danseriez au bruit des chaînes
Qui pèsent sur le genre humain ?
Et vous, d’un si bel équilibre
Dérangeant le plan régulier,
Seuls auriez le front d’être libre
A la barbe du monde entier ?
L’Europe demande vengeance.
Armez-vous, héros d’Albion ;
Rome ressuscite à Boston,
Étouffez-la dans son enfance :
Dans ses derniers retranchements
Forcez la liberté tremblante,
Qui toujours plus intéressante
Se ferait de nouveaux amants.
Qu’elle expire, et que son nom même,
Presque ignoré chez nos neveux,
Ne soit plus qu’un mot à leurs yeux
Et son existence un problème.

  • 1Autre titre: Épître aux insurgents. « Un plaisant vient d’adresser une Épître aux Bostoniens ; il leur reproche de vouloir être libres lorsque le despotisme règne sur le monde entier. Cette idée, qui fait le fond de la facétie, donne lieu à des détails très ingénieusement tournés. Il y a de la gaieté, de la vérité et une excellente philosophie, assaisonnée de sarcasmes adroits et piquants contre le gouvernement britannique, et en général contre tous les souverains, car on voit que l’auteur n’est rien moins que royaliste. » (Mémoires secrets)

Numéro
$1439


Année
1777




Références

Raunié, IX,134-35 - F.Fr.13652, p.504 - Mémoires secrets, X, 249-51 - CSPL, V, 187-88