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Réponse aux odes précédentes [$1590 et $1597]

Réponse aux odes précédentes1

Quelle est donc cette muse obscure

Qui, dans cet écrit clandestin,

A, sur Maupeou, de l’imposture

Osé distiller le venin !

Quoi ! Thémis ! cette calomnie

Va-t-elle rester impunie !

Non. De la foudre arme tes mains,

Et que ta sévère justice

Inflige à l’auteur le supplice

Des brigands et des assassins.

 

Rempli d’une fureur profane,

Hérostrate pour s’illustrer

Brûla le temple de Diane,

Cet objet qu’il dût révérer.

Avec une pareille audace,

Un vil avorton du Parnasse

Aspire à marcher sur ses pas ;

Mais un objet plus respectable

Que la déité de la fable

Est en proie à ses attentats.

 

Fameux auteur des Philippiques

Accouru du profond des enfers,

De tes odes trop satiriques,

Le fiel vient d’enfanter des vers.

Si, par la force de ton style,

Si par ta veine si facile,

Ce monstre est loin de t’imiter,

Au moins par sa forcénerie,

Par son impudente furie,

Il a sur toi su l’emporter.

 

De tous les temps la calomnie

Fit les délices des humains ;

Qu’il y règne quelque génie,

L’écrit passe de main en main.

Le poison aussitôt circule,

L’esprit lui sert de véhicule ;

Chacun l’enferme dans son cœur,

Et de cette fatale ivresse,

Vingt ans d’une haute sagesse

Ne pourraient dissiper l’erreur ?

 

On fuit toujours un satirique,

Même en riant de ses écrits,

Et toujours la crainte publique

De ses ouvrages est le prix.

Chargé de la commune haine

De ses ennuis la triste chaîne

S’écoule dans l’obscurité :

Hibou de la littérature,

De son exécrable imposture,

Elle assure l’impunité.

 

Mais des libelles anonymes

Pourraient-ils troubler tes projets ?

Crois-tu que de mauvaises rimes

Anéantiront tes succès ?

Non, non, Maupeou. Quand avec zèle

On sauve un pays qui chancelle,

Nos hommages sont à ce prix ;

Seul tu sais mériter les nôtres…

Les hommes au-dessus des autres

Sont au-dessus de tels écrits.

 

Que peut une vague animée

A lutter avec un rocher ?

A l’aspect du faible pygmée

Hercule alla-t-il se cacher ?

Dans une impuissante colère,

Contre les vers divins d’Homère,

Zoïle en vain se déchaîna ;

Et dans les champs de la Sicile,

L’Olympe d’un regard tranquille

Voit bouillonner le Mont-Etna.

 

Ainsi l’on vit dans la Régence

La Grange, en vers pleins de noirceurs

Contre le héros de la France

Solliciter en vain nos cœurs ;

Tel, plus méchant, mais moins sublime,

Palissot choisit pour victime

Les auteurs au-dessus de lui ;

Sa comédie fut oubliée,

Sa Dunciade est décriée,

Il ne lui reste aucun appui.

 

Bravant l’autorité suprême,

Les parlements audacieux

Voulaient gouverner le Roi même

Et qu’il ne régnât que par eux ;

Ne respirant que l’anarchie,

D’un faux zèle pour la patrie,

Ils voilaient leurs affreux projets.

Ainsi l’antique jésuitisme

Sanctifiait par un sophisme

Les plus exécrables forfaits.

 

Magistrats pétris d’arrogance,

Qu’étiez-vous au siècle dernier ?

Louis à la loi du silence

Sut quarante ans vous enchaîner.

A peine il ferma la paupière

Que, renversant toute barrière,

Vous semâtes partout l’effroi ;

On vous vit pour préliminaire

Casser dans votre sanctuaire

Le testament de votre Roi.

 

Tel un torrent dont la furie

Des champs menaçaient les travaux,

La crainte anime l’industrie.

Une digue arrête ses flots,

Du laboureur la vigilance

S’endort… fatale négligence !

Le fleuve a submergé ces lieux ;

Annonçant partout l’épouvante,

Il noie, et la moisson présente

Et la moisson de nos neveux.

 

Dans un écrit de discipline,

Maupeou vous rappelle à vos lois ;

Il remonte à votre origine

Et pour toujours fixe vos droits ;

Il vous défend toutes menées,

Les démissions combinées,

Les refus d’enregistrement ;

Mais pour le bonheur de la France,

La faculté de remontrance

Vous est confirmée hautement.

 

Que vois-je ! et quel nouveau caprice !

L’édit n’est point enregistré !

Louis tient son lit de justice,

Ce refus est réitéré.

Jusqu’où les conduit un faux zèle !

En vain sa bonté paternelle,

Trois fois leur enjoint d’obéir ;

Obéir leur paraît un vice,

Ils cessent même le service…

Il ne reste plus qu’à punir.

 

Tant de mouvements de clémence

Ne les avaient pas confondus ;

Ils poussent à bout l’impudence,

Nouveaux ordres, nouveaux refus.

Fatigué de cette conduite,

Louis à la fin s’en irrite.

La foudre étincelle en ses mains,

Il pulvérise ces rebelles…

Et des magistrats plus fidèles

Régleront le sort des humains.

 

Citoyens, dont l’obéissance

Aux ordres sacrés de Louis

Remet en vos mains la balance,

Les lois, le glaive de Thémis,

Votre infatigable courage

A braver la commune rage,

Mérite en ce jour des autels ;

S’exposer à l’ignominie

Pour le salut de la patrie,

C’est s’égaler aux immortels.

 

Ô chicane, source éternelle

De ruines et de procès,

Monstre dont la rage cruelle

Ne se repaît que de forfaits,

Contre toi Maupeou nous rassure ;

Un règlement de procédure

Met tous tes détours au néant ;

Et pour ôter mille injustices,

Il supprime aussi les épices.

Dieux ! Thémis n’est plus à l’encan.

 

Mais depuis longtemps la province

Gémissait de pareils excès ;

Ses plaintes vont jusques au prince,

Le Chancelier leur donne accès :

Il saisit le moment prospère,

Louis les reçoit en bon père ;

Tous ses sujets sont dans son sein,

Et pour répondre à leurs demandes

Dans les villes les plus marchandes

Il crée un conseil souverain.

 

De ces provinces éloignées

Le laboureur et l’artisan

Ne vont plus perdre de journées

A suivre un appel ruinant ;

Dans le cercle de leurs affaires,

Je leur vois des dieux tutélaires

Qui termineront leurs procès,

Et sous ce favorable auspice,

Sans plus marchander la justice,

Ils auront gratis des arrêts.

 

A cent miles de la capitale,

Le plaideur ne quittera plus

Ses fils, sa couche nuptiale,

Au désir d’un Commitimus ;

Mortel digne de notre estime,

Ton nouvel édit les supprime

Ou du moins en suspend l’effet.

Ah ! pour consommer cet ouvrage,

Puisses-tu par une loi sage

Ôter le scel du Châtelet !

 

En ne montrant point de faiblesse,

Tu vois tes desseins couronnés ;

De ces chefs-d’oeuvre de sagesse,

Tes ennemis sont consternés.

Mais dans leur infâme impudence,

Ils déclament que la vengeance

T’a dicté ce projet nouveau.

Quelque motif qu’on te suppose,

Pour oser en blâmer la cause,

Maupeou, l’effet en est trop beau.

 

Reçois à jamais nos hommages,

Inébranlable magistrat,

Tu vivras par-delà les âges ;

L’univers n’est pas un ingrat ;

Mais si par ces temps de détresse,

Des cabales de toute espèce

Par leurs vers osent t’outrager,

Ah ! c’est en redoublant de zèle

A chérir ce peuple rebelle

Que tu prétendras t’en venger.

 

Que les pamphlets, que les satires

Ne tarissent pas tes bienfaits ;

Méprise de lâches vampires,

C’est les punir de leurs forfaits.

Avec courage, avec constance,

Pour le vrai bonheur de la France,

Poursuis, achève tes projets.

Louis te voit ; il te contemple,

Sur ce monarque prend exemple

Comme on doit aimer les Français.

 

Accepte, Maupeou, la couronne

Des l’Hôpitals et des Sullys,

Venge le monarque et le trône,

Relève leurs droits avilis.

Couvert d’une gloire immortelle,

Le Roi que tu sers avec zèle,

Louis, va te combler d’honneurs,

Et si notre reconnaissance

Ne peut vaincre notre impuissance,

Ta récompense est dans nos cœurs.

  • 1Deux violentes attaques contre la réforme de Maupeou : $5797 (1ère chancelière) et $5790 (2ème chancelière). Il y est répondu par une vive défense du Chancelier ($6212) attribuée à un certain Paris de Brisseville, par ailleurs inconnu, selon un ajout manuscrit dans F.Fr.13652.

Numéro
$6212


Auteur
Paris de Brisseville ?



Références

F.Fr.13652, p.30-41