Parodie en réponse d’une épître de Voltaire au cardinal Quirini
Non, je ne veux plus que tu chantes1
Ce temple orné par mes bienfaits
Dont aujourd’hui Brlin se vante.
Cessez de m’admirer et tais-toi désormais.
H ! comment dans une contrée
Où la vérité révérée
De Rome fait chérir les lois
À des protestants consacrées ?
S’il est vrai que loin de Sion
Tu gémis en bon catholique,
Hélas, à ton prince hérétique
Inspire ta dévotion ;
Vois avec consolation
Que dans la céleste séquelle
Il sera loin de Cicéron
Ou d’Aristippe ou de Platon
Ou séparé de Marc-Aurèle.
On sait que cet esprit fameux
Comme eux vit encore dans le monde ;
Faut-il qu’il soit puni comme eux
Dans l’horreur de la nuit profonde ?
Surtout cessez d’être fâché
De le voir toujours entiché
Du prétendu cruel péché
Qu’on appelle la tolérance.
Il peut bien recevoir, je pense,
Le musulman et le païen,
Le quakre, le luthérien,
L’enfant de Genève et de Rome.
Voltaire même, on le sait bien.
Mais pourvu qu’il soit honnête homme,
Tâchez que sa méchanceté
N’aille pas jusqu’au ridicule
De traiter notre austérité
D’une haine dont sans scrupule
S’arme le dévot entêté.
Ce langage sent l’incrédule.
Ainsi, que ton but principal
Soit d’être chambellan utile
D’un prince endurci dans le mal
En lui prêchant notre Évangile.
Ah ! si mon front prédestiné
À tes yeux doublement éclate
Et si mon chapeau d’écarlate
Des lauriers du Pinde est orné,
Sache que sur les pas d’Horace
Et sur ceux de saint Augustin
On peut se frayer un chemin
Au paradis comme au Parnasse.
Pour convertir ce rare génie
S’il faut l’art d’instruire et de plaire
Avec les trois Grâces d’Homère
Tâchez de mériter celle de Jésus-Christ.
- 1Parodie en réponse d’une épître de Voltaire au cardinal Quirini qui lui demandait une ode sur l’Église de Berlin à laquelle il a fait des présents.
F.Fr.10479, f°137r-138r