Parodie des fureurs d’Oreste Sur le retour de M. de Voltaire
Parodie des fureurs d’Oreste
Sur le retour de M. de Voltaire
Grâce aux dieux, mon bonheur passe mon espérance.
Oui, je te loue, ô Ciel, de ta juste clémence,
Prodigue de tes dons au lieu de me punir.
Au comble des honneurs tu m’as fait parvenir.
Ton amour a pris soin d’effacer ma misère.
J’étais né pour servir d’exemple à ta colère,
Pour devenir l’objet du plus juste mépris.
Mais enfin je triomphe et je rentre à Paris.
Où sont tous les auteurs pour couronner ma joie ?
Dans mes vastes écrits il faut que je les noie.
D’un déluge de vers, je vais les inonder.
Réunissons les fous qui n’ont pu s’accorder.
Quel peuple d’écrivains tout à coup m’environne !
D’où vient qu’à leur aspect mon faible cœur frisonne ?
Quelle peur me saisit ! Grâces au Ciel j’entrevois,
Dieux ! que de méchants vers coulent autour de moi !
Que vois-je ? quoi, Piron, je te rencontre encore !
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Du froid séjour du nord, comment t’es-tu sauvé ?
Tiens, vois Montezuma que je t’ai réservé.
Mais que vois-je ? à mes yeux l’abbé Le Blanc t’embrasse !
Vient-il donc t’arracher au coup qui le menace ?
Dieux ! quels affreux regards il promène sur moi !
Que de vers durs et secs traîne-t-il après soi ?
Eh bien, trope comique, enfin êtes-vous prête ?
Pour qui sont les lauriers que votre main apprête,
Avez-vous destiné l’appareil qui vous suite
A dérober Le Blanc à l’éternelle nuit ?
Allons. A ses fureurs Voltaire s’abandonne.
Mais non, modérons-nous, sa fierté vous pardonne
Bientôt l’abbé Le Blanc de vous me vengera.
Clairambault, F.Fr.12705, p.407-08 - Maurepas, F.Fr.12633, p.431-32