Aller au contenu principal

Dialogue sur l’exil du Parlement

Dialogue sur l’exil du Parlement1
Le compère
Bénissons tous la colère
De Monseigneur le Régent
Qui chasse le Parlement,
Auteur de notre misère2 .
Nous reverrons, de l’argent,
Nous en verrons ma commère,
Nous reverrons de l’argent
Avant qu’il soit peu de temps3 .

La commère
Une lettre peu courtoise4 ,
Qui lui vint un beau matin,
Lui fit prendre le chemin
Du poulailler de Pontoise ;
Qu’il est bien là, mon voisin,
Pour ne plus causer de noise,
Qu’il est bien là, mon voisin,
Pour le repos du prochain5 .

Le compère
Les actions, sur la place,
Montent du soir au matin,
Le billet reprend son train,
Tout, sans tumulte, se passe.
Il ne peut, s’il est chagrin,
Nous faire que la grimace ;
Il ne peut, s’il est chagrin,
Nous faire ni mal ni bien.

La commère
Ces messieurs, sans aucun doute,
Sont fâchés d’être partis ;
Ce qui leur paraît de pis
N’est pas l’argent qui leur coûte.
Chacun craint qu’étant banni
Sa femme à Paris ne f…
Chacun craint qu’étant banni
On ne ponde dans son nid.

Le compère
Tous ces messieurs sont trop sages
Pour s’en faire un embarras.
Le Régent, qui sait leur cas,
A pris soin de leurs ménages ;
Il laisse, au lieu des maris,
Pour payer les arrérages,
Il laisse, au lieu des maris,
La Cour des Aides à Paris6 .

  • 1Autre titre: Chanson sur la translation du parlement de Paris à Pontoise au mois de juillet 1720 (Clairambault)
  • 2Comme le Parlement refusait d’enregistrer un édit du roi qui déclarait la compagnie des Indes perpétuelle, sous diverses conditions destinées à rendre au public la confiance qu’il avait perdue, le Régent le transféra à Pontoise. « Le dimanche matin, 21 juillet, à quatre heures, les mousquetaires ont porté des lettres de cachet à tout le Parlement en particulier, pour se rendre, dans deux fois vingt‑quatre heures, à Pontoise, où le roi transfère le Parlement. Les lettres de cachet étaient burinées. » (Barbier.) (R)
  • 3Billet distribué par ordre de la Banque : « Le Parlement par son opiniâtreté continuelle au gouvernement présent, fait resserrer l’argent ; mais, malgré toute sa mauvaise intention, l’argent paraîtra la semaine prochaine et le billet de banque ne perdra plus. » (M.) (R)
  • 4 Voici la lettre de cachet, telle qu’elle est transcrite par Marais dans son Journal : « Monsieur, ayant pour de bonnes considérations résolu de transférer ma cour de parlement de Paris en la ville de Pontoise, je vous fais cette lettre de l’avis de mon oncle le duc d’Orléans, Régent, pour vous enjoindre et ordonner de vous y transporter, toutes affaires cessantes, dans deux fois vingt‑quatre heures, pour y rendre la justice à votre ordinaire, en vertu de la déclaration qui y sera envoyée, vous faisant cependant défense de vous assembler nulle part ailleurs, sous quelque prétexte que ce soit, sous peine de désobéissance et de privation de votre charge. Et la présente n’étant à autre fin, je prie Dieu qu’il vous ait, Monsieur, en sa sainte garde. Écrit à Paris, le 20 juillet 1720 Signé : Louis (et plus bas) Phélipeaux. » (R)
  • 5« Jamais tout le corps du Parlement n’avait été exilé depuis son établissement. Ce coup d’autorité aurait en d’autres temps soulevé Paris ; mais la moitié des citoyens n’était occupée que de sa ruine, et l’autre, que de ses richesses de papier qui allaient disparaître » (Voltaire.) (R)
  • 6Le chansonnier joue plaisamment sur le mot aides. La Cour des Aides, juridiction souveraine, connaissait en dernier ressort des procès civils et criminels relatifs aux subsides, tailles, impôts, etc. (R)

Numéro
$0377


Année
1720




Références

Raunié, III,193-94 - Clairambault, F.Fr.12697, p.401-02 - Maurepas, F.Fr.12630, p.243-44 - F.Fr.12500, p.234-35 - F.Fr.13655, p.485 - F.Fr.1541, p.86-87 - F.Fr.15143, p.179-82 -F.Fr.15152, p.309-11 Arsenal 2961, p.615-17 - Arsenal 3231, p.520-22 - BHVP, MS 639, p.197-200 -  BHVP, MS 659, p.59-61 - Besançon BM, MS 561, p.83-84