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La Prise de Grenade

La prise de Grenade1
Foin de votre portier maussade !
Brave d’Estaing, je crois qu’il faut
Dans votre hôtel entrer d’assaut,
Ainsi que vous à la Grenade.
Je suis jaloux de voir vos traits ;
J’accours en hâte, et l’on me chasse.
Les Anglais vous ont vu de près,
Accordez-moi la même grâce.
C’est moi, qui tous les jours du mois,
Auteur, acteur tout à la fois,
Aux yeux des dames amusées
Mets la Grenade sous mes lois,
Avec du guet et des fusées.
Nous recueillons pareillement
Un très juste tribut d’éloges ;
Nous avons l’applaudissement
Vous de l’Europe et moi des loges ;
Ainsi donc daignez recevoir
Mon faible, mais sincère hommage :
Daignez consentir à me voir ;
Car enfin je voudrais savoir
Comment j’ai saisi votre image.
Si l’on attaque mon maintien
Et le langage de mon zèle,
Votre copiste est infidèle ;
C’est ma faute, car je sais bien
Que rien ne manque à mon modèle.

  • 1« Un sieur Pariseau, directeur des élèves de l’Opéra, acteur et auteur de ce théâtre, avait composé une pièce intitulée Veni, vixi ou La prise de Grenade. C’est une imitation suivie de cette conquête où figure M. d’Estaing. Quand il a su que ce général revenait, il a suspendu pour ne remettre sa pièce qu’à son arrivée, dans l’espoir qu’il l’honorerait de sa présence et y donnerait un véhicule extraordinaire. Malheureusement le vice-amiral, mécontent de la fin de sa campagne, ne veut pas se montrer en public ni même rester à Paris. Il s’est retiré à Passy, et son état d’ailleurs ne lui permettrait pas de venir à ce spectacle forain. Le sieur Pariseau, comme de raison, n’a pas moins cru devoir aller rendre ses hommages au comte d’Estaing et lui demander son agrément pour le mettre ainsi en scène, car il faut savoir que c’est lui qui joue le rôle du général. Il n’a pu parvenir jusqu’à lui et a fait à cette occasion ces vers qui valent mieux que son drame héroïque. » (Mémoires secrets). Pariseau ne pouvait manquer de trouver des imitateurs. « Jamais conquête, remarque Grimm, n’a été plus célébrée que la prise de Grenade ne l’a été sur tous les théâtres des boulevards et du bois de Boulogne, spectacles devenus fort à la mode. » (R)

Numéro
$1465


Année
1779

Auteur
Pariseau, directeur des élèves de l’Opéra



Références

Raunié, IX,235-37 - Mémoires secrets, XIV, 332-33