Les Deux Duval
Les deux Duval1
Deux Duval sont à Paris ;
Tous deux font les renchéris,
Voilà la ressemblance.
L’un est tout sucre et tout miel,
L’autre n’est qu’absinthe et fiel,
Voilà la différence.
Ils vont débitant partout
De grands mots, et puis c’est tout ;
L’un raisonne en confiseur,
Et l’autre en plat confesseur.
Tous deux sont des charlatans
Admirés par les enfants ;
L’un montre l’art des bouquets,
L’autre celui des baquets2
.
En papillote à Paris
Des deux on met les écrits ;
L’un est pour le diablotin,
L’autre pour le chicotin.
Tous les deux sont devenus
De leur monarque connus,
Voilà la ressemblance.
L’un sur sa porte l’a mis,
L’autre voudrait faire pis3
,
Voilà la différence.
- 1Le sieur Duval, confiseur à l’enseigne du Grand Monarque, et M. Duval d’Espresmenil que sa conduite dans les dernières discussions parlementaires a fait surnommer le Lord Gordon du Parlement de Paris (M.). — Jean‑Jacques Duval d’Espresmenil s’était signalé par son hostilité envers la cour lors du Procès du Collier. Défenseur zélé des prérogatives du Parlement, il devint l’adversaire le plus audacieux et le plus populaire des plans de Brienne et ce fut lui qui dénonça aux magistrats en termes indignés le projet de création d’une cour plénière et de grands bailliages que le ministre comptait mettre à exécution pour dépouiller le Parlement de ses attributions politiques et judiciaires. Il fut aussitôt arrêté et conduit aux îles d’Hyères, d’où il ne revint qu’après la chute de Brienne. Lorsque le Parlement fut appelé à se prononcer sur le mode de convocation des États généraux, d’Espresmenil insista pour l’adoption de formes aristocratiques suivies en 1614 et son avis l’emporta, ce qui ruina tout à la fois sa popularité et celle du Parlement. Il fut, néanmoins nommé député de Paris par la noblesse aux Etats généraux, mais il perdit dans l’assemblée constituante toute considération et toute influence, et périt sur l’échafaud, le 21 avril 1794. (R)
- 2Il avait été l’un des partisans les plus enthousiastes de Cagliostro et de Mesmer, dont on le soupçonnait de rédiger les mémoires. (R)
- 3Brissot prétend dans ses Mémoires que d’Espresmenil voulait débourbonnailler la France. La conduite de ce magistrat prouva qu’il poursuivait surtout l’extension et l’affermissement de la puissance parlementaire. (R
Raunié, X,279-81 - CLM, VIII,3, p.29