Songe à M. de Maurepas par le Ch. de Lorrès
Songe à M. de Maurepas par le Ch. de Lorrès
D’un bonheur renaissant les riantes images
Qu’à des infortunés présente le sommeil
Sont quelquefois d’heureux présages,
Justifiés par le réveil.
Cette nuit dans l’horreur d’une longue tempête,
Qu’un songe roulait sur ma tête,
Saisi d’effroi, je perçais l’air de cris ;
Quand tout à coup des Cieux cette fille chérie,
Âme de l’univers, mère de l’harmonie,
Le front ceint de lauriers, de roses et d’épis,
La Concorde, descend des célestes lambris.
Tout s’apaise, tout cède à sa douce influence :
Les vents rentrent dans le silence,
L’horizon s’éclaircit et le jour le plus pur
Pare et console la nature.
Mais Ô félicité ! Sous ce dais de verdure,
Quel mortel ou quel Dieu sur un trône d’azur,
Sans faste n’étalant que les mœurs pour parure,
Comme aux grands de l’État, affable à l’homme obscur,
M’offre de l’âge d’or la naïve peinture ?
À ses côtés assise, une jeune beauté,
Annonce la splendeur de son auguste race,
Le front riant et plein de majesté,
Présente la vertu sous les traits d’une grâce.
Près du trône un vieillard, rare présent des cieux,
Nouveau mentor pour le bonheur d’Ithaque,
Préparant les succès d’un règne glorieux,
Couvre de son égide un nouveau Télémaque ;
Autour d’eux dans l’excès de son ravissement,
D’un peuple fortuné les bouches sont muettes
Et ne laissent au sentiment
Que les larmes pour interprètes.
A ce tableau touchant, avec un doux sourire,
Le monarque tournait ses regards attendris
Sur le sage adoré si digne de l’instruire
Et d’un geste il semblait lui dire,
Je vous les dois, ces cœurs si tendres, si soumis ;
Les dieux m’ont donné cet empire
Ils ont plus fait, quand ils nous ont unis ;
Par vos conseils leur sagesse m’inspire ;
Quel bienfait ! De vos soins je recueille le prix,
Tous mes sujets sont mes amis.
Un cri de joie en ce moment m’éveille ;
J’entends : vive Louis et partout répété,
Le nom de Maurepas frappe aussi mon oreille.
Oh ! m’écriai-je, alors de plaisir transporté,
Les Français sont heureux et leur gloire est certaine.
Non, mon songe enchanteur n’est point une ombre vaine,
Je n’ai vu que la vérité.
Hardy, III, 704