Panégyrique du chancelier Maupeou
Panégyrique du chancelier Maupeou
Auguste magistrat, dont la haute prudence
S’applique à réparer des maux que la licence,
Sous le voile des lois et de l’autorité,
Semblait perpétuer avec impunité ;
Intrépide Maupeou, quand ton âme sublime
Prend en faveur du peuple un essor magnanime,
Souffre qu’un bon Français félicite son Roi
D’avoir cru ne trouver un sûr appui qu’en toi.
Assez d’autres, bravant l’innocence opprimée,
Ont pu voir d’un œil sec l’erreur envenimée,
L’avarice insensible et l’orgueil fastueux,
Appauvrir, écraser des sujets vertueux,
Qui, maudissant en vain la sombre politique
Dont se couvre un pouvoir usurpé, despotique,
Sous un prince chéri, dans leurs maux les plus grands
N’aperçoivent partout que de lâches tyrans.
Toi seul, vraiment touché des cris que la patrie
Fait souvent retentir dans ton âme attendrie,
Tu veux à ses malheurs donner un prompt secours,
Du crime et du désordre interrompre le cours,
Dans l’État chancelant rétablir l’équilibre,
Rendre un peuple à la fois obéissant et libre ;
Affermir la couronne, oser par tes décrets
D’un pouvoir subalterne arrêter les progrès ;
A la religion, que des sectes obscures
Souillent malignement de leurs couleurs impures,
Restituer l’éclat dont nos sages aïeux
La virent couronnée en des temps plus heureux ;
Enfin de la vertu, de la faible innocence,
Sous le sceptre des rois assurer l’existence.
Déjà nous te voyons, hardi réformateur,
Le front calme et pareil à l’être créateur,
Sur un chaos informe, une masse grossière,
D’un ton majestueux appeler la lumière.
La lumière paraît ; quel chef-d’œuvre nouveau !
Es-il pour les Français un spectacle plus beau ?
On s’irrite pourtant, et des complots funèbres
Semblent vouloir encor rappeler les ténèbres.
Par un dépit jaloux, on ne peut supporter
Que ton vaste génie ait su déconcerter
Un projet dangereux, une folle entreprise
Qui devait renverser et l’État et l’Église.
N’oppose à ces vains cris qu’une mâle fierté ;
Souviens-toi que toujours vers l’immortalité,
Tranquille et sans effroi, dans un noble silence,
A travers les clameurs le grand homme s’avance.
Un temps viendra sans doute où, plus reconnaissants
Les peuples, soulagés dans leurs besoins pressants,
Par des tributs flatteurs payés à ta mémoire,
Tâcheront à l’envi d’éterniser ta gloire,
Et charmés d’observer par quels heureux accords
De tout l’État en paix on fait mouvoir le corps,
Tous se diront : il fut un chancelier en France
Qui, sachant réprimer l’altière indépendance,
Écarta le péril qui menaçait nos lois,
Fut le sauveur du peuple et le vengeur des rois.
Raunié, VIII,225-27