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Panégyrique de Necker

Panégyrique de Necker1
Généreux étranger dont le vaste génie,
Suivant dans ton effort ta noble ambition,
Se consacre à l’honneur de servir ma patrie,
Je te dois mon respect, mon admiration.

Dans ces temps malheureux, plus d’un ministre en France
Abusant des moyens, osa dans ton emploi
Bouleverser l’État, épuiser la finance ;
Mais ces maux, grâce au ciel, sont réparés par toi.

Louis, qui t’appela pour seconder ses vues,
Charmé de tes succès, de son choix s’applaudit.
Le Français, l’étranger, t’exaltent jusqu’aux nues,
L’un t’offre sa fortune, et l’autre son crédit.

On doit à ta conduite un suffrage unanime :
Qu’importe le dépit du traitant qui s’en plaint !
Déjà des nations tu captives l’estime ;
L’Anglais même te loue2  : il fait plus, il te craint.

Si de nouveaux impôts tu t’interdis l’usage
Pour braver sur les mers un rival furieux,
La glorieuse paix qui sera ton ouvrage3
Nous rendra tes travaux encor plus précieux.

En ressources fécond, mais toujours équitable,
Tu fais revivre l’ordre et la prospérité ;
Des Sully, des Colbert, émule infatigable,
Tu t’élèves comme eux à l’immortalité.

Malgré tous tes succès on aspire à ta place,
L’intrigue et la cabale espèrent sans pudeur
Entrer dans la carrière, en effacer ta trace,
Et cherchent la fortune où tu trouves l’honneur.

Qu’ai-je dit ! Pourrait-on, malgré l’expérience,
Admettre encor quelqu’un de ces ambitieux,
Dissipateurs légers, ministres vicieux,
Qui ne manqueraient pas de ruiner la France !

Réduite à la merci de son déprédateur,
Que deviendrait alors ma patrie épuisée ?
Je verrais compromis son crédit, son honneur !
Ce funeste avenir contriste ma pensée.

Mais quand la vertu seule au prince a droit de plaire
Tous tes rivaux en vain poursuivront leur objet ;
Confonds-les par le bien qu’il te reste à nous faire ;
Sûr de l’aveu du maître, accomplis ton projet.

 

  • 1Ces vers furent adressés à Necker par M. de Ferney, auteur d’un mémoire sur l’Utilité d’un dénombrement général en France et sur la manière de l’exécuter avec succès et sans frais. (R)
  • 2Voyez les discours de lord Richmond à la Chambre des Pairs. Il y dit à peu près : Ce ne sont pas les armes des Français qu’il faut craindre ; c’est la sagesse de leur administration actuelle et les ressources inépuisables de leur ministre, M. Necker. (M.) (R)
  • 3L’événement a justifié cette prédiction. (M.) (R)

Numéro
$1480


Année
1780

Auteur
Ferney, auteur d'un mémoire sur l'utilité d'un dénombrement général



Références

Raunié, IX,257-59 - Correspondance secrète, 30 décembre 1780, t.X, p.413-14. (strophe 1 et 7 seulement)