Étrennes aux demoiselles de l’Opéra
Étrennes aux demoiselles de l’Opéra
Pour vos étrennes,
Daignez recevoir ces rubans ;
Si vous vouliez, aimable Ismène1
,
Je vous ferais d’autres présents,
Pour vos étrennes.
Entre vous tant d’amour me montre de vos âmes
La beauté,
Vous vous aimez ainsi, et vous êtes des femmes
La rareté !
Oui, l’on ira vous voir (n’en doutez point, mesdames)
Par curiosité.
De vos beaux yeux vifs, séducteurs,
S’élancent mille traits vainqueurs ;
Votre danse légère2
,
Eh bien ?
M’exciterait à faire,
Vous m’entendez bien.
Saint Martin doit sa sainteté
A son amitié pour le diable ;
De sa veste il s’est dépouillé
Pour réchauffer ce misérable :
Si vous voulez dans votre lit
Me réchauffer, car je grelotte,
Vous irez droit au paradis :
Je vous en ouvrirai la porte.
Du dieu d’amour je veux braver les charmes,
Je crains de rentrer sous sa loi ;
Ce dieu cruel m’a fait verser des larmes.
Vous m’enchantez, de grâce, laissez-moi ;
Sous votre figure enfantine
Il se glisse dans notre cœur ;
Il ne nous offre que la fleur,
Mais il sait nous cacher l’épine.
Sexe charmant ! sexe trompeur !
Jeune Églé3
, laisse-moi mon cœur.
Tu réunis grâces, noblesse,
Et vivacité4
;
Tu sais exprimer la tendresse,
Les jeux, la gaîté ;
L’amour te donne son suffrage,
Ton art m'enchaîne sur tes pas,
Et ce dieu si fier rend hommage
A tes talents, à tes appas.
Lorsque je pense à vos appas5
,
Jamais la nuit je ne sommeille ;
Mourant de plaisir dans vos bras,
Le malheur veut que je m’éveille.
Je vous le dis de bonne foi ;
En doutez-vous, ma belle reine ?
Couchez cette nuit avec moi,
Bientôt vous me croirez sans peine.
Églé6
possède une fontaine
Dont l’eau, plus pure que la Seine,
Ferait revenir un mourant.
D’y puiser j’aurais grande envie ;
Je meurs ! son cœur compatissant
Veut-il bien me sauver la vie ?
Je brûle, je soupire7
,
Je suis tout hors de moi.
Si ça dure, j’expire.
Tête à tête avec toi,
Permets-moi de dormir,
Ça pourra me guérir.
Églé8
, si cette bagatelle
Vous déplaisait, oh ! pour le coup,
Vous sauriez qu’en vos mains, la belle,
Un rien souvent devient beaucoup.
Vous rassemblez auprès de vous9
Les talents et les grâces ;
Le dieu des plaisirs les plus doux
Voltige sur vos traces.
Il a brisé ses traits vainqueurs,
Mais il n’est pas sans armes ;
Car, pour dominer sur les cœurs,
Il se sert de vos charmes.
Par ceux que l’on considère,
Jugeons des appas secrets10
;
Ton visage a mille attraits,
Le reste est-il un mystère ?
Je te dis depuis longtemps,
Que j’entre, je t’en prie ;
Si jamais je suis dedans
J’y passerai la vie.
Dans vos jeux, jeune Iris11
, l’amour voit de ses armes
La beauté !
Fixe par vos attraits, Zéphir vous rend les armes,
La rareté !
Je voudrais contenter, en parcourant vos charmes,
Ma curiosité.
Dieux ! que de vivacité !
Dans ses pas, Climène12
Peint les plaisirs, la gaîté,
Elle en est la reine.
Surpris par autant d’attraits,
Peut-on éviter leurs traits ?
La raison propose, La danse dispose.
Raunié, VIII,97-101 - F.Fr.13651, p.235-240