Lettre du Sr Destouches portant défense aux comédiens français d'avoir des danseurs étrangers dans le bal de Pan et de Doris
Lettre du Sieur Destouches portant défense aux Comédiens-Français
d’avoir des danseurs étrangers dans le ballet de Pan et de Doris
Nous, surintendant ridicule
Des farceurs et des concertants,
Et qui mieux dore la pilule
Que les plus fourbes charlatans,
Successeur de l’escroc Francine
De qui nous avons bien appris
L’art de tirer la bécassine
Dans les spectacles de Paris,
À ceux qui, nous sachant en place,
Reconnaissent notre grandeur
Salut. Mais salut et menace.
Avons appris avec douleur
Que certain quinault du Parnasse
Avait, nonobstant la chaleur,
Trouvé l’art de mener en foule
Tout le peuple chez les Français,
De sorte que chez eux l’argent roule
Ce qui nous met fort aux abois,
La pièce ayant tout le mérite
Qui de Paris charme l’élite,
Le succès que nous augurons
Fait que bien fort nous murmurons.
Pour empêcher, s’il se peut faire,
Que l’auteur comme les acteurs
Ne puissent en tirer le salaire
Que leur portent les spectateurs,
Nous voulons sans miséricorde
Qu’ils réforment quatre danseurs
Qu’envoyons aux danseurs de corde
Dont nous sommes les défenseurs
Permettons qu’ils dansent eux-mêmes
Que si de nous ils font mépris,
Leur donneront les Stratagèmes
Au lieu de Pan et de Doris
Qui leur attire tout Paris.
F.Fr.15017, f°103 - Lille BM, MS 63, p.66-68