Ode sur la mort du Régent
Ode sur la mort du Régent
Enfin la mort de Campanée
Sert d’exemple aux ambitieux,
Et la foudre de Salmonée1 .
Cède à celle qui part des cieux.
Qui veut trop s’élever trébuche,
Le crime dans sa propre embûche
Se trouve souvent abattu.
Le Cloton à nos vœux propice
Dont il menaçait la vertu.
Que vois-je ? à peine son pied touche
Les tristes bords du Flegeton
Que pour son trône et pour sa couche
Je vois les frayeurs de Pluton,
Je vois sur la rive infernale
Pygmalion, Sardanapale
Ravi de pouvoir l’embrasser ;
Le Cacua (sic), Sisyphe et Tantale
Donner à cette ombre royale
La gloire de les surpasser.
Billia n’est plus tant occupée
À faire un ruisseau de ses pleurs ;
Phèdre, Jocaste et Pélopée
N’ont plus ni remords ni douleurs
Des sanguinaires Danaïdes
Et des lascives Propétides2
Les hommages lui sont rendus,
Et la fille qui les amène
Lui promet un plus grand domaine
Que les États qu’il a perdus.
Plus noir que le reste des ombres,
D’Argenson3 vole à son secours
Plus terrible aux rouges ombres
Qu’à ceux où la Seine a son cours,
Il prend le poste sanguinaire
Qu’Éaque tient près de Pluton ;
Dubois succède à Radamante
Et Minos saisi d’épouvante
Laisse la place à Daubenton.
J’aperçois la reine d’Ithaque
Chercher le plus creux monument ;
Pour fuir une plus vive attaque
Que celle de tous ses amants
Que le bras de l’époux qu’elle aime,
Je vois Andromaque elle-même.
Ravi que la France ait vu naître
Un prince plus mauvais que lui ;
Des poisons qui l’ont fait connaître
Charles lui vient offrir son appui4 .
Celui qui s’acquit l’avantage
De mettre nos rois hors de page
L’observe d’un œil attentif
Et reconnaît qu’en tyrannie
Auprès d’un si rare génie
Il ne fut qu’un simple apprentif.
Duc en qui le désir de prendre5
Ne s’est point encore assoupi,
Nompar, hâte-toi de te rendre
Dans ce nouveau Mississipi.
Peux-tu pour tes épiceries
Trouver de plus sûrs magasins ?
Là, ni Thémis, ni son tonnerre
Ne pourront comme sur la terre
Te dépouiller de tes larcins.
Prince, rends ton règne célèbre
Sur le rivage souterrain
Sans craindre que la Seine ou l’Ebre
Regrettent un tel souverain,
Content que leurs deux monarchies
Soient heureusement franchies
De tes exécrables projets
Ils te verront sans jalousie
Par les lois de la frénésie
Jouir sur tes nouveaux sujets.
F.Fr.15152, p.8288