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Ode sur la guérison du roi en août 1744

Ode par Piron,

sur la guérison du roi en août 1744
Viens me tenir lieu d’Apollon,
Esculape, dieu des clystères,
Que ta canule et ton canon,
Dignes instruments de tes mystères,
Me laissent chier sans effort
Des vers puants et sublimes
Tels que tous les jours il en sort
Des culs huilés de nos minimes.

Louis avait le cul bouché ;
Par la bouche il avait beau prendre
Du minoratif recherché,
Il périssait faute de rendre
Quand l’apothicaire à genoux
Seringue en main vient par derrière
Et vise si bien dans le trou
Qu’il rompt la fatale barrière.

Que vois-je ? Ô ciel, c’est un étron,
Et la matière en est louable ;
Il est gros comme un saucisson
Et garnirait bien une table.
C’est l’œuvre du plus grand des rois ;
L’odeur, le goût sentent le trône
Et jamais un anus bourgeois
N’en eût accouché sans matrone.

Telle du cerveau de Jupin
On vit jadis sortir Minerve,
Laurier en tête, olive en main,
France, le Ciel te le réserve,
Tel et cent fois plus précieux
Du cul de notre grand monarque
Pour rendre ses peuples heureux,
L’étron sort et fraude la parque.

Instrument de notre bonheur,
Etron, délices de la France,
Je te croquerais de bon cœur
Si je t’avais en ma puissance.
Mais je vois Dumoulin prudent1
Te regarder d’un œil d’envie.
Ciel ! il porte sur toi la dent
En dépit de La Peyronie2 .

Ménage un si rare trésor,
Arrête la France t’en prie,
Pourrais-tu bien donner la mort
A qui nous a donné la vie ?
De ce sacré déport garant,
Respecte un ragoût qui te tente,
Songe que le peuple l’attend,
Grands yeux ouverts, bouche béante.

  • 1fameux médecin
  • 2Autre médecin du roi

Numéro
$4820


Année
1744

Auteur
Piron



Références

Clairambault, F.Fr.12711, p.280-83 - Maurepas, F.Fr.12647, p.292-94 - F.Fr.10477, f°140-41 - F.Fr.13657, p.105-07 - F.Fr.15134, p.999-1001 - NAF.9184, p.387-88 - Arsenal 3128, f°195r-195v