Quelle est la troupe qui s’avance ?1
Ah ! qu’ils ont l’air impertinent :
Ce sont les ministres de France
Qui viennent adorer l’enfant.

C’est Chaillou qui fait la harangue
De la part du Roi très chrétien,
Mais l’embrouillement de sa langue
Fait que Jésus n’y comprend rien.

Eh quoi donc, dit-il à sa mère,
Tous les autres sont-ils muets,
Qu’il faille qu’un bègue on préfère
Pour parler au nom des Français ? —

Maurepas dit au Messie :
J’aimerais ta religion
Quand tu n’aurais pendant ta vie
Qu’ôté la circoncision.

Ton baptême n’a pas de suite
Et je n’y sens pas de dégoût,
Mais le couteau de ton lévite
Ne m’aurait rien laissé du tout.

Le bœuf, las d’être solitaire,
Dit en voyant Monsieur Orry :
Le bon Dieu m’envoie un confrère,
Je ne serai pas seul ici.

L’âne, rempli de jalousie,
Crie à l’enfant la larme à l’œil :
Je serai donc sans compagnie ! —
Non, me voici, lui dit Breteuil.

Le fils du petit La Vrillière2
Arrive en toute humilité ;
De Maurepas c’est le beau-frère,
Il n’a pas d’autre qualité.

Saint Xavier n’était qu’un coq d’Inde
A dit Tencin d’orgueil bouffi ;
Je suis patriarche de l’Inde
J’ai prêché le Mississipi.

D’Argenson arrive à l’étable
Accablé d’un ennui profond.
Ah quel bâillement effroyable !
Qu’avez-vous donc ? dit le poupon. —

Pour avoir été trop caustique
Au conseil du Roi l’on m’admet3 ,
Et pour pénitence publique
J’approuve tout ce qu’on y fait.

• 1Noëls pour la fin de l'année 1742, sur l'air Noël pour l'amour de Marie (Arsenal 3133 et 3137)
• 2Louis Phélypeaux de La Vrillière, comte de Saint-Florentin, avait été nommé, en 1725, au poste de secrétaire d’État, vacant par la mort de son père, le duc de La Vrillière. (R)
• 3Le comte d’Argenson, qui avait résigné ses fonctions de chancelier de la maison d’Orléans pour occuper le poste d’intendant de Paris à la mort de M. Hérault, fut nommé ministre d’État en même temps que le cardinal de Tencin. (R)